Recep Erdogan reçoit ce mercredi Vladimir Poutine à Istanbul pour inaugurer le Turkish Stream, un nouveau gazoduc reliant les deux pays. Un tuyau bienvenu pour assouvir la soif d’énergie de la Turquie.
Cette économie émergente consomme de plus en plus d’énergie, mais elle en produit très peu. C’est son talon d’Achille. Son charbon et son électricité hydraulique ne couvrent que le quart de la demande. La Turquie importe donc tout le reste, et en particulier le pétrole et le gaz, d’Iran, d’Irak et surtout de Russie. Cette forte dépendance aux marchés extérieurs rend ses finances particulièrement fragiles. Quand le baril flambe la livre turque plonge, et la facture s’alourdit. Les importations d’hydrocarbures représentent environ la moitié de son déficit commercial, voire 80% quand le cours du brut s’emballe. Réduire sa dépendance est aujourd’hui une priorité pour consolider son développement. Malgré la crise diplomatique de 2015 avec la Russie, la Turquie s’appuie néanmoins sur cette puissance gazière et nucléaire pour gagner une plus grande autonomie énergétique, c’est ainsi la société russe Rosatom qui construit la première centrale atomique de l’ex-empire ottoman.
Ce Turkish stream va surtout permettre à la Turquie de sécuriser son approvisionnement en gaz
Ce tuyau sous la mer Noire est en effet un moyen direct et sûr d’approvisionnement. Le gazoduc desservira aussi les Balkans et les pays d’Europe centrale et ce sera donc aussi une source de royalties pour la Turquie. À défaut d’avoir du pétrole ou du gaz sur son territoire, Ankara œuvre pour devenir un pays de transit de l’énergie, un hub entre les fournisseurs situés au nord et à l’est, et les clients, à l’ouest.
Le gazoduc avec l’Azerbaïdjan, inauguré en novembre, a la même vocation ; Ankara verrait bien le Turkménistan, l’Irak ou l’Iran se connecter à ce tuyau pour desservir l’Europe et ainsi concurrencer le tout puissant fournisseur russe. L’autre piste pour gagner une parcelle de souveraineté énergétique est située en Méditerranée orientale où des gisements de gaz ont été découverts. Le problème c’est qu’ils ne sont pas situés dans ses eaux et que la Turquie est exclue de tous les accords passés pour exploiter cette manne enfouie au large des côtes égyptiennes, israéliennes et chypriotes. Et pour cause : Ankara est au plus mal avec tous les pays concernés. Avec Israël et l’Égypte qui veulent exporter ensemble du gaz naturel liquéfié. Et encore plus avec Chypre et la Grèce, qui ont conclu il y a quelques jours avec Israël un accord pour un projet encore incertain de gazoduc sous-marin destiné à l’Europe, le EastMed.
La Turquie multiplie les opérations coups de poing pour mettre la main sur ses ressources prometteuses
En juin elle envoie d’abord ses navires sonder les fonds au large de la partie grecque de l’île de Chypre, ce qui provoque des représailles de l’Union européenne. En décembre, pour exercer une pression supplémentaire, Ankara passe un accord maritime assez surprenant avec le gouvernement officiel de Tripoli pour élargir le périmètre de ses eaux, au détriment de la Grèce et de Chypre. Déclenchant là encore les réactions courroucées de ses ennemis. Sur le plan économique, ce passage en force est totalement contre-productif. Car aucune compagnie privée n’est prête à investir des milliards dans des projets aussi risqués sur le plan géopolitique.
►En bref
L’attaque de missiles lancée par l’Iran contre les troupes américaines stationnées en Irak fait déjà grimper les marchés
Le baril de Brent a regagné 4% ces dernières heures, il se rapproche de la barre des 70 dollars atteinte après l’élimination du général Soleimani. Le brut américain est lui aussi propulsé par les représailles iraniennes. Tout comme l’or, très prisé en ce moment : le métal précieux a dépassé les 1600 dollars l’once. Enfin la bourse de Tokyo a clôturé sur une forte baisse : – 1,57%.
Source: Radio France Internationale