(CROISSANCE AFRIQUE)- Au Cameroun, les autorités ont officiellement annoncé la création de la Bourse nationale des déchets (BND) lors d’une assemblée générale constitutive rassemblant les 15 premiers actionnaires, incluant l’État, des collectivités locales et des entreprises privées, le juin 2025.
Cette initiative, sans précédent dans la sous-région d’Afrique centrale, vise à structurer le marché de la gestion des déchets alors que les grandes villes camerounaises font face à une augmentation exponentielle de leur production de déchets et à des taux d’enlèvement nettement insuffisants.
Présidée par Pierre Hélé, le ministre de l’Environnement, cette réunion marque la transformation d’une recommandation formulée en 2016 en un outil économique opérationnel. La BND est envisagée comme une société d’économie mixte, où l’État, par l’intermédiaire de son ministère et des communes d’Ebolowa et de Kumba, détient la majorité du capital avec 40 actions représentant environ 160 millions de francs CFA (environ 243 000 euros).
Les 12 investisseurs privés, actifs dans les secteurs de la collecte, du tri, du recyclage et de la valorisation des déchets, complètent l’ensemble avec un investissement estimé à 130 millions de francs CFA, un chiffre encore provisoire du fait de souscriptions de dernière minute le jour même de l’assemblée. Chaque action de la BND est valorisée à quatre millions de francs CFA. Ce modèle économique permet aux investisseurs de jouer un double rôle, tant comme actionnaires que comme clients ou fournisseurs sur la plateforme d’échanges.
La BND agira comme un marché virtuel destiné à connecter l’offre et la demande de déchets ayant un potentiel économique, avec pour ambition de structurer les flux d’échanges, d’établir des prix indicatifs, et de faciliter l’accès aux intrants pour les industriels du recyclage. Selon les autorités, la Bourse sera officiellement opérationnelle en juillet 2025, avec une architecture institutionnelle en cours de finalisation, qui comprend la nomination d’un directeur général, d’un directeur général adjoint, ainsi que l’installation d’un conseil d’administration. Les équipements techniques nécessaires à son fonctionnement sont déjà disponibles, selon le ministère de l’Environnement.
La création de cette bourse intervient à un moment où le secteur de la gestion des déchets au Cameroun est en pleine tension. La production annuelle urbaine dépasse maintenant les 6 millions de tonnes, comparé à 3,4 millions en 2007. Les capacités d’enlèvement demeurent cependant limitées, avec des taux oscillant entre 45 % à Yaoundé et 69 % à Douala. Malgré ces défis, un potentiel important existe pour le développement d’activités de valorisation, à condition de résoudre les problèmes actuels de collecte. Selon une étude de marché préliminaire, la BND devrait atteindre son seuil de rentabilité d’ici la troisième année d’exploitation, avec la possibilité d’étendre son capital à d’autres collectivités territoriales. Bien que onze communes aient manifesté initialement leur intérêt pour devenir actionnaires, seules deux ont concrétisé leur souscription à ce stade. Pierre Hélé a exprimé son désir de voir davantage de collectivités locales s’engager dans cette initiative, dans un pays où la décentralisation reste un défi operational majeur.
La BND s’inscrit également dans le prolongement des états généraux sur la gestion des déchets en milieu urbain tenus en mai 2025, qui ont souligné l’importance d’une gouvernance renouvelée et du développement de mécanismes économiques pour améliorer le système.
Cette nouvelle structure aura non seulement pour but de dynamiser un marché encore naissant, mais aussi d’inciter à l’innovation dans le domaine du recyclage, du traitement, et même de l’exportation de déchets transformés.
De plus, le projet contient une dimension financière significative : les capitaux investis visent à générer des retours pour les actionnaires tout en garantissant un service environnemental de qualité.
Korotoumou Sylla