Placardé dans sa cellule, mais encore présent sur les réseaux sociaux par procuration,Choguel Kokalla Maïga joue son dernier acte en prophète déchu: «Ils ont commis l’irréparable», lâche-t-il, comme pour menacer la République. Mais derrière les slogans crépusculaires, il ne reste qu’un paradoxe : celui d’un ancien Premier ministre qui, après avoir passé son temps à critiquer le pouvoir en l’exerçant, découvre aujourd’hui que la justice malienne n’a plus peur des idoles déchues.
À peine le mandat de dépôt prononcé, le 19 août dernier, l’ancien Premier ministre malien,Choguel Kokalla Maïga, déjà prisonnier de ses illusions et désormais pensionnaire attitré de la maison centrale d’arrêt de Bamako, se fend d’un message crépusculaire publié sur son compte X:«Ils ont commis l’irréparable». Phrase courte, écrite en lettres écarlates sur fond noir,slogan plus que déclaration, soupir d’un homme qui se rêve martyr, mais qui n’est que l’ombre d’un politique usé, réduit à gesticuler par écrans interposés.
Choguel frappé de schizophrénie politique
Car enfin, que signifie cet « irréparable»? Menace à peine voilée, posture d’opposant sans cause, ou ultime bluff d’un homme dont l’art de la manipulation a toujours été la seule véritable doctrine? Qu’un ancien Premier ministre, ayant eu entre ses mains les clés de l’appareil d’État,choisisse aujourd’hui le registre de l’anathème dit tout de l’itinéraire de Choguel:celui d’un prophète qui se voulait lucide, mais qui, en réalité, n’aura été que le metteur en scène de ses propres contradictions.
Il faut se souvenir. Choguel fut l’un des rares chefs de gouvernement à critiquer, parfois violemment, le pouvoir alors même qu’il en était le dépositaire. Pour paraphraser un adage bien connu:«Il crachait dans le plat qu’il mangeait. » Un paradoxe permanent, une schizophrénie politique qui l’aura conduit à jouer tour à tour les pompiers et les pyromanes. À Bamako,nombreux sontsont ceux qui se rappellent ses conférences de presse où, dans un même souffle, il appelait à la défense de la République et en sapait les fondations par ses diatribes contre ceux qui l’avaient nommé.
Aujourd’hui, en se drapant dans les habits du martyr, Choguel se trompe d’époque et surtout de pays. Car le Mali de 2025 n’est plus celui où l’on pouvait impunément invoquer l’étranger pour délégitimer ses adversaires ni celui où la menace voilée servait de stratégie de survie politique. L’arrestation et le mandat de dépôt qui le frappent-comme ils ont frappé avant lui Moussa Mara et d’autres figures, jadis intouchables-disent une vérité simple et nue :«nul n’est au-dessus de la loi», pas même ceux qui en furent les chantres officiels.
L’irréparable, c’est l’exercice normal de la justice
Que vaut dès lors ce message aux accents apocalyptiques? Rien de plus qu’un aveu d’impuissance. Car menacer, c’est déjà avouer sa faiblesse. Tenter d’effrayer la République,c’est reconnaître que l’on n’a plus prise sur elle.
La machine de l’État, elle, continue son travail, implacable, indifférente aux tweets rageurs et aux phrases choc. Et la justice, n’en déplaise à Choguel et à ses partisans, mènera son instruction jusqu’au bout, sans céder ni aux pressions venant des réseaux sociaux ni aux chantages d’égos blessés.
En définitive, Choguel Kokalla Maïga aura été fidèle à lui-même : contestataire professionnel, acteur de ses propres chutes, il s’obstine à voir dans chaque revers une trahison, dans chaque critique une conjuration. Mais ce qu’il appelle «irréparable», les Maliens l’appellent autrement: l’exercice normal de la justice dans une République qui apprend, enfin à se passer des faux hommes providentiels.