- (CROISSANCE AFRIQUE) –Contexte macroéconomique et situation actuelle
Le Mali évolue dans un environnement marqué par une forte croissance démographique (23,8 millions d’habitants en 2023),
une pauvreté élevée (43,9 % de la population vit sous le seuil de pauvreté), et une dépendance structurelle à deux produits d’exportation :
l’or (81 % des exportations en 2023) et le coton (9 %).
Le secteur primaire occupe environ 64 % de la population active mais ne génère que 33,2 % du PIB, ce qui illustre le faible rendement de l’activité agricole.
La croissance du PIB réel avoisine 4 % mais, une fois corrigée de la croissance démographique, le gain par habitant n’est que d’environ 1 %.
Les finances publiques restent contraintes : déficit budgétaire autour de 5 % du PIB, dette publique à 55 % du PIB (2022), dépendance accrue aux financements extérieurs (FMI, Banque mondiale, bailleurs bilatéraux).
L’inclusion financière progresse mais reste limitée : seulement 44 % des adultes ont accès à des services financiers formels.
- Diagnostic des contraintes
- Faible mobilisation des ressources internes : pression fiscale réduite, exonérations multiples, poids de l’informel.
- Coût élevé du crédit et rationnement bancaire : garanties exigées trop lourdes, forte perception de risque.
- Informalité massive : absence d’états financiers fiables et de garanties bancaires.
- Vulnérabilités structurelles : chocs climatiques, instabilité sécuritaire, dépendance aux matières premières.
- Poids du service de la dette : réduit l’espace budgétaire pour l’investissement productif.
- Sous-exploitation de l’innovation financière : potentiel des fintech et du mobile money encore limité.
- Messages clés
- Le problème du financement n’est pas seulement quantitatif, il est qualitatif : il faut orienter les flux vers les secteurs productifs et à forte valeur ajoutée.
- L’inclusion financière doit être un pilier stratégique.
- Le risque doit être partagé via des fonds de garantie et d’assurance.
- La mobilisation des ressources internes est prioritaire.
- La stabilité macroéconomique et institutionnelle est une condition de confiance.
- L’innovation financière et numérique est une opportunité à exploiter pleinement.
- Recommandations stratégiques – Court terme
- Renforcer le fonds de garantie national existant pour accroître sa capacité d’intervention au bénéfice des PME, des agriculteurs et des projets innovants.
- Créer un fonds régional de garantie (UEMOA ou AES), afin de mutualiser les risques et de réduire le coût du crédit dans l’ensemble de la sous-région.
- Opérationnaliser la Caisse de Dépôts et de Consignations (CDC) et modifier son statut juridique en société anonyme multipartite (État, secteur privé, partenaires institutionnels), afin d’en faire un instrument efficace, efficient et crédible de financement de long terme et de sécurisation de l’épargne nationale.
- Mettre en place une réglementation nationale pour promouvoir des clubs d’investisseurs (business angels, clubs d’épargne et d’investissement solidaires), afin de mobiliser davantage l’épargne nationale et de canaliser les ressources vers les projets productifs.
- Accorder des incitations fiscales ciblées pour encourager les banques à financer les secteurs productifs prioritaires.
- Mobiliser l’épargne de la diaspora à travers des obligations dédiées ou une banque d’investissement spécifique.
- Renforcer les capacités des institutions financières locales, afin qu’elles puissent mieux analyser les risques et accompagner les petites entreprises.
Appui direct aux PME/PMI :
- Promouvoir les Centres de gestion agréés (CGA) pour améliorer la tenue de la comptabilité, renforcer la gouvernance des PME/PMI et les préparer à accéder au financement bancaire et aux marchés internationaux.
- Encourager les PME/PMI à obtenir des certifications (qualité, normes ISO, normes locales) afin d’accroître leur crédibilité et leur compétitivité.
- Faciliter l’accès des PME/PMI aux marchés publics en leur allouant un minimum de 30 % des dépenses publiques, comme levier direct de croissance et de formalisation.
- Digitaliser les mécanismes de passation des marchés publics pour réduire les coûts et renforcer la transparence.
- Publier un rapport annuel d’évaluation de l’attribution et de l’exécution des marchés publics.
- Introduire un système de sanctions contre les entreprises défaillantes dans l’exécution des marchés, afin d’instaurer une culture de responsabilité et de performance.
4.2 Moyen terme
- Développer un marché financier plus inclusif au sein de l’UEMOA et renforcer l’accès du Mali à la BRVM.
- Intégrer les fintech dans l’écosystème financier national et régional.
- Développer la microassurance pour sécuriser les revenus des producteurs.
- Structurer des PPP transparents pour financer les infrastructures.
- Renforcer l’éducation financière pour les populations rurales et urbaines.
4.3 Long terme
- Réformer la fiscalité et réduire les fuites de capitaux.
- Créer une sécurité juridique forte et stable pour les investisseurs.
- Orienter les financements vers la transformation locale du coton, de l’or, des produits agricoles.
- Développer des instruments financiers verts (obligations climatiques, fonds d’adaptation).
- Vers une architecture régionale de financement
Le Mali seul ne peut relever ces défis. Une approche régionale est indispensable pour mutualiser les ressources et réduire les risques.
Cette architecture devrait reposer sur cinq piliers complémentaires :
- Un fonds de garantie régional : couvrir une partie des risques bancaires sur les prêts aux PME et projets agricoles, afin de réduire le coût du crédit.
- Une banque d’investissement régionale (AES, UEMOA ou CEDEAO) : capitalisée par les États, la diaspora et les partenaires stratégiques, pour financer directement les projets structurants (infrastructures, énergie, agro-industrie, industrialisation minière).
- Un marché obligataire commun pour les infrastructures : mutualiser les émissions de dettes publiques afin d’obtenir de meilleures conditions de financement et d’attirer les investisseurs institutionnels.
- Un fonds régional de stabilisation : inspiré d’expériences latino-américaines, pour amortir les chocs liés aux prix des matières premières, aux catastrophes naturelles ou aux crises sécuritaires.
- Intégration des fintech et du mobile money au niveau régional : harmoniser les cadres réglementaires, interconnecter les systèmes de paiement et faciliter les transferts transfrontaliers à bas coût.
En parallèle, la diaspora pourrait jouer un rôle structurant avec une banque d’investissement panafricaine de la diaspora pour canaliser les 790 milliards FCFA de transferts annuels vers des investissements productifs.
- Conclusion
Le Mali ne manque pas d’opportunités mais de canaux adaptés pour financer sa transformation économique. La solution réside dans :
- une meilleure gouvernance fiscale et financière ;
- l’élargissement de l’inclusion financière ;
- la réduction des risques par des garanties et une architecture régionale solide ;
- l’orientation des capitaux vers les secteurs de transformation et de valeur ajoutée.
Avec une vision nationale claire, adossée à une stratégie régionale de financement, le Mali pourra passer du cercle vicieux de l’endettement et de l’informel à un cercle vertueux de croissance inclusive et durable.
H. Niang