EXCLUSIF-Reportage de nos confrères du « Le point » sur l’affaire Soumaila CISSE, les détails sur les négociations encours

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Plongée dans un témoignage fort. Celui d’Abdoulaye à propos de l’enlèvement du chef de l’opposition malienne, de la vie avec les djihadistes aux négociations.

Par Olivier Dubois, à Bamakole 22/04/2020

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Soumaila Cisse, le chef de file de l’opposition, est toujours entre les mains de ses ravisseurs. Les negociations se poursuivent dans le pays. Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition, est toujours entre les mains de ses ravisseurs. Les négociations se poursuivent dans le pays. Dans la vie au camp rythmée par la prière, une certaine routine s’installe peu à peu. Abdoulaye découvre assez rapidement qu’ils ne sont pas les seuls prisonniers ici. D’autres Maliens sont là, en captivité, « des civils, mais nous n’avons pas été en contact avec eux ». Chaque jour les prisonniers questionnent les ravisseurs sur leur libération mais les combattants n’ont pas de réponse car cette décision n’appartient qu’au chef.

Des otages sont libérés, mais contre quoi ?

C’est plus d’une semaine plus tard que le chef les convoque et leur annonce qu’ils vont être libérés. Quelques heures de moto plus tard, à l’orée d’un village, ils sont abandonnés à leur nouvelle liberté, sans que l’on sache vraiment quel facteur a concouru à leur libération. « Selon mon hypothèse, ils les ont libérés pour montrer leur bonne foi aux autorités et aussi parce qu’au niveau logistique, autant de personnes, ça devient vite lourd. Il y a une surveillance accrue des drones dans le ciel munis de missiles, ça génère de l’insécurité pour eux, donc il faut s’en séparer », analyse cette source sécuritaire. Même avec le recul, Abdoulaye ne sait toujours pas pourquoi ses compagnons et lui ont été libérés. « Je n’ai vu en tout cas personne venir négocier au camp pour nous. Personnellement, nous croyons que ce sont les djihadistes qui ont décidé de nous libérer », souligne-t-il.Des va-et-vient étonnants à Bamako.

Peu de temps après la libération des otages, à Bamako, un étrange ballet se mettait en place entre la Maison centrale d’arrêt et la Sécurité d’État, comme le relate cet ex-haut fonctionnaire malien dans la capitale : « Il y a eu un jeu trouble de la Sécurité d’État (SE) ces derniers temps. Pas mal de prisonniers ont fait des allers-retours entre la Maison centrale d’arrêt et la SE. L’un des plus importants d’entre eux m’a été signalé, un certain Keïta, Souleymane Keïta, il a fait pas mal de ces va-et-vient. Mais, depuis que lui et d’autres ont été sortis, il n’y a pas eu de retour. C’est peut-être lié à la libération graduelle de la délégation de Soumaïla Cissé, mais ça m’étonnerait, ils n’étaient pas assez importants.

»Souleymane Keïta, djihadiste notoire, l’un des prisonniers les plus importants détenus à Bamako, proche d’Iyad Ag Ghaly et d’Hamadoun Kouffa, fondateur de la Katiba Khaled Ibn Walid ou Katiba Ansar Eddine du Sud, avait déjà été libéré sous un faux nom des geôles bamakoises en février 2019 dans le cadre des tractations visant à faire libérer le préfet de Tenenkou Makan Doumbia et le journaliste Issiaka Tamboura. Peu de temps après, il avait de nouveau été arrêté et mis au secret jusqu’à aujourd’hui.Des tentatives de négociations tous azimutsDepuis l’annonce de la disparition du chef de l’opposition Soumaïla Cissé, au sein de son parti politique, au gouvernement, sur le terrain dans la région de Tombouctou, on s’active à mettre « tout en œuvre pour le ramener sain et sauf ». De nombreuses tentatives individuelles de négociation, « une vingtaine », selon cet observateur, ont essayé de faire libérer le président de l’URD, des locaux pour la plupart qui connaissent ou sont liés peu ou prou à certains des ravisseurs et qui espèrent grâce à cela pouvoir résoudre le problème.

« Il y a l’imam Mahmoud Dicko, la cellule de crise de l’URD, la cellule de crise du gouvernement malien avec à sa tête Ousmane Issoufi Maiga, l’ex-Premier ministre, appuyé par la DGSE malienne et les canaux de Me Hassan Barry », détaille cet analyste malien. « Je ne suis pas officiellement un négociateur, mais je tente des choses par mes propres moyens », rectifie Me Barry, ancien ministre et avocat qui fut arrêté et détenu quelques heures par la DGSE en novembre dernier pour des liens présumés avec les djihadistes.Du côté de la cellule de crise de l’URD où 11 personnes sont mobilisées pour tenter de faire libérer leur président, la multiplicité des interlocuteurs qui tente de négocier avec les ravisseurs déroute un peu, même si toute personne pouvant amener une solution est la bienvenue. « Nous sommes entrepris par des personnes ressources qui offrent leurs services. Pour le moment, on recueille des informations. À la date d’aujourd’hui, nous n’avons pas encore de retour des personnes qui sont parties prendre contact et négocier avec les ravisseurs.

Les otages qui étaient du cercle de Niafunké sont arrivés à Bamako il y a peu et nous allons collecter toutes les informations qu’ils peuvent nous donner et qui pourraient nous aider dans ces négociations. »L’imam Dicko, un homme qui pourrait être décisifPour nombre de Maliens, la libération de Soumaïla Cissé pourrait avoir lieu par l’entremise de l’imam Mahmoud Dicko, religieux célèbre et influent au Mali qui, en 2012, avait réussi la prouesse de faire libérer pas moins de 160 militaires maliens détenus par le chef D’Ansa Eddine, Iyad Ag Ghaly. « Je ne nie pas que les deux grandes figures qui sont dans cette affaire, Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa, sont des gens que je connais personnellement et qui me connaissent aussi. Il y a un rapport de confiance. J’essaie d’établir un pont, chercher à trouver un tuyau quelconque pour faire parvenir un message à ceux qui sont susceptibles de donner l’ordre pour qu’il soit libéré. J’espère, si mon message leur parvient, qu’ils vont certainement réagir favorablement », escompte l’Imam Dicko, qui pourra utiliser la « ligne téléphonique ouverte » proposée par Ousmane Issoufi Maiga, si dans ces négociations survenait un élément déterminant ou un blocage nécessitant l’implication des autorités.Des canaux gouvernementaux ?Sur le terrain, ces négociations ont connu un temps mort à cause des affrontements qui ont éclaté ces dernières semaines entre les deux groupes rivaux que sont le JNIM et l’EIGS. cela a gêné les émissaires, négociateurs ou messagers censés faire les va-et-vient jusqu’à la zone isolée où ils se trouvent et où les téléphones comme les armes sont interdits.« Je suis absolument convaincu que ces négociations se font ailleurs. Ousmane Issoufi Maiga n’a pas de moyens de converser dans cette zone avec qui que ce soit. C’est une zone qu’il ne connaît pas, il n’a pas d’attache avec eux, donc en réalité s’il négocie, il ne peut le faire qu’à travers les services maliens. Ces derniers ont des canaux qu’ils ont ouverts depuis longtemps. Je pense que ça se joue à ce niveau et pas ailleurs », affirme cet ancien ministre.

Un dénouement proche ?Selon nos informations, Soumaïla Cissé se porterait plutôt bien, se déplace souvent et se trouverait dans l’entourage immédiat du chef djihadiste Hamadoun Kouffa. Mais à presque un mois de sa disparition, ses proches aimeraient en avoir le cœur net. « Nous demandons une preuve de vie, un coup de fil, quelque chose pour que l’on soit rassuré, mais jusqu’à présent on n’a rien eu », déplore Salikou Sanogo. « Une preuve de vie serait en effet un gage d’une vraie négociation et ça ne m’étonnerait pas qu’ils le fassent pendant le ramadan, car le mois de carême dans les pays musulmans, c’est un mois où les présidents gracient des gens », avance cet analyste malien.Pour Abdoulaye, le dénouement n’est pas loin. « Ils vont libérer Soumaïla car ils ont dit qu’il serait libéré et qu’il pourrait retourner chez lui sain et sauf. C’est ce qu’ils nous ont dit. Ils l’ont fait avec nous donc, j’ai plutôt tendance à les croire. »

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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