Garder le gouvernement propre selon le Singapour: la croisade de Lee Kuan Yew contre la corruption

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(CROISSANCE AFRIQUE)-Lorsque le Parti d’Action du Peuple (PAP) prit le pouvoir en 1959, Lee Kuan Yew et son équipe s’étaient fixé une mission claire : bâtir un gouvernement propre, discipliné et incorruptible.

Ils avaient été profondément écœurés par ce qu’ils voyaient ailleurs en Asie : des héros de l’indépendance transformés en prédateurs, des États ruinés par la cupidité, et des peuples trahis par leurs propres dirigeants.

« Nous étions déterminés à ne jamais devenir comme eux », écrira plus tard Lee Kuan Yew. Dès le premier jour, la bataille contre la corruption fut donc considérée comme un combat existentiel — non seulement pour l’économie, mais pour l’âme même de la nation.

Des symboles forts et une équipe exemplaire

Le 5 juin 1959, jour de leur prestation de serment, tous les ministres du nouveau gouvernement portaient des chemises et pantalons blancs, symboles de pureté et d’intégrité. Ce n’était pas un détail vestimentaire, mais une déclaration politique. « Nous voulions signifier au peuple que notre gouvernement serait honnête dans la gestion de l’argent public et dans sa conduite personnelle. »

Lee Kuan Yew avait choisi des ministres éduqués, compétents et financièrement indépendants. Ils savaient qu’ils pouvaient quitter le pouvoir sans craindre la pauvreté. Beaucoup d’entre eux avaient des épouses travaillant, ce qui leur donnait une liberté d’esprit rare dans la région. Cela créa une culture d’indépendance morale : personne n’avait besoin de “mettre de côté pour l’avenir”. Le service public était un honneur, pas un moyen d’enrichissement.

Chaque dollar public doit arriver au peuple

Dès l’installation du gouvernement, Lee Kuan Yew posa une règle simple : « Chaque dollar collecté doit arriver au bénéficiaire final sans qu’un seul centime ne soit siphonné en chemin. ». Il savait que les tentations étaient multiples — dans les douanes, la police, les services hospitaliers, les marchés. À cette époque, il n’était pas rare qu’en Asie du Sud-Est, un voyageur doive glisser quelques billets pour passer les contrôles, ou qu’un malade doive payer pour être admis à l’hôpital.

Mais pour Lee Kuan Yew, tolérer la petite corruption, c’était ouvrir la porte à la grande.

Il décida donc de simplifier les procédures administratives, de réduire la discrétion des fonctionnaires et de renforcer les mécanismes de contrôle. Le rôle clé du Bureau d’Enquête sur les Pratiques Corruptives (CPIB). Créé en 1952 par les Britanniques, le CPIB (Corrupt Practices Investigation Bureau) fut transformé en véritable bras armé de la probité. Sous Lee Kuan Yew, il fut placé directement sous l’autorité du Premier ministre et doté de pouvoirs étendus : Perquisitions, arrestations, accès aux comptes bancaires des suspects et de leurs familles, possibilité d’enquêter sur tout ministre ou haut fonctionnaire. En 1960, la loi fut révisée pour inclure dans la définition de la corruption toute forme d’avantage de valeur, pas seulement l’argent. Désormais, vivre au-dessus de ses moyens devenait une preuve suffisante pour ouvrir une enquête.

Cette approche radicale fit du CPIB une institution redoutée, respectée et incorruptible. « L’odeur d’une vie au-dessus de ses moyens suffisait à attirer l’attention du CPIB », rappelait Lee Kuan Yew.

La loi s’applique à tous, sans peur ni faveur

Ce principe fut mis à l’épreuve à plusieurs reprises. Entre les années 1960 et 1980, plusieurs ministres et hauts responsables furent arrêtés, condamnés ou contraints de démissionner.

Même les compagnons de route de Lee Kuan Yew n’échappaient pas à la rigueur du système. L’un d’entre eux, convaincu de corruption, choisit même de mettre fin à ses jours plutôt que d’affronter la honte publique. Cet épisode tragique montra à quel point la culture de l’honneur et de la responsabilité était devenue forte : il valait mieux mourir que déshonorer le pays.

« Il est facile de commencer avec de bonnes intentions, mais difficile de s’y tenir si les dirigeants ne sont pas assez forts pour sanctionner sans exception. » 

 Lee Kuan Yew. Des élections propres, sans argent sale

Lee Kuan Yew comprit très tôt que la corruption politique commence souvent par le coût excessif des élections.

Dans d’autres pays, les candidats dépensaient des millions pour acheter des voix — ils devaient ensuite “récupérer” leur argent une fois élus.

À Singapour, la loi interdit rapidement les dépenses électorales excessives, les cadeaux aux électeurs, et même le transport organisé vers les bureaux de vote.

Le PAP gagna et regagna les élections non pas en achetant des consciences, mais en livrant des résultats tangibles :

des emplois, des écoles, des hôpitaux, des logements. « Nous avons gagné les cœurs des citoyens en leur donnant un toit, pas de l’argent. ». Payer les dirigeants à leur juste valeur

L’un des points les plus controversés de la gouvernance de Lee Kuan Yew fut la rémunération des ministres et hauts fonctionnaires. Il affirma que pour maintenir un gouvernement propre, il fallait payer les dirigeants à la hauteur de leurs responsabilités et compétences.

Dans les années 1990, le gouvernement adopta une formule salariale transparente : les salaires des ministres et hauts fonctionnaires furent indexés sur les revenus moyens du secteur privé (environ deux tiers du niveau du privé). Cette politique suscita des critiques, mais elle permit à Singapour de recruter les meilleurs talents sans créer de tentation de corruption.

« Un ministre sous-payé finit par coûter plus cher au pays. » — Lee Kuan Yew

Un système impitoyable, même envers ses fondateurs.Lee Kuan Yew appliqua à lui-même et à sa famille les mêmes standards. Lorsqu’une controverse éclata sur l’achat d’un bien immobilier par son épouse et son fils, il demanda une enquête publique. Résultat : aucune faute trouvée, mais il décida tout de même de verser l’équivalent du rabais reçu au Trésor public, puis à des œuvres de charité.

« Le fait que le système ait pu enquêter sur moi prouvait qu’il fonctionnait : personne n’est au-dessus de la loi. ». Les résultats : une réputation mondiale et une leçon durable. À la fin des années 1990, Singapour était classée parmi les pays les moins corrompus au monde, devant le Japon, Hong Kong et Taiwan.

Pendant la crise financière asiatique de 1997, Singapour fut épargnée, car il n’y avait ni favoritisme ni collusion politique dans les banques et les marchés publics. Lee Kuan Yew avait réussi ce que peu de dirigeants asiatiques ont accompli : bâtir un État où la propreté du gouvernement est devenue une norme culturelle.

Conclusion : l’intégrité comme fondement du progrès

Ce chapitre de From Third World to First montre que la lutte contre la corruption ne dépend pas de slogans, mais d’un système cohérent : un leadership exemplaire, des institutions fortes, des lois sévères, une rémunération juste, et une culture de transparence publique.

« Ce n’est pas la peur de la punition qui garde un gouvernement propre, mais la conviction profonde que trahir la confiance du peuple, c’est trahir soi-même. » — Lee Kuan Yew.

Leçon pour nous aujourd’hui

La propreté d’un État ne se décrète pas. Elle se construit, jour après jour, par la cohérence entre les mots et les actes.

Singapour nous rappelle que le vrai développement commence par la gouvernance morale : là où chaque citoyen, du ministre au fonctionnaire, comprend que l’honneur vaut plus que l’argent.

Alf Sidibé 

Source: Lydmali.com

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