Mali: Le rapport 2016 du bureau du vérificateur général démontre que  » les faits constatés ont-ils conduit à des irrégularités financières d’un montant de 52,47 milliards de FCFA dont 4,59 milliards de FCFA au titre de la fraude et 47,87 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion »

Date:

A l’antipode des recommandations formulées dans les 12 précédents rapports
annuels du Vérificateur Général, qui convergent tous vers une moralisation
plus accrue de la gestion publique, les faits saillants de ce rapport annuel 2016
confirment, une fois de plus, que des gestionnaires de derniers publics constituent malheureusement une force importante d’opposition à l’émergence au Mali d’une culture redditionnelle.

Ainsi, les faits constatés ont-ils conduit à des irrégularités financières d’un
montant de 52,47 milliards de FCFA dont 4,59 milliards de FCFA au titre de
la fraude et 47,87 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion.

 

 

Ces irrégularités concernent la gestion :
Des charges communes ou crédits globaux par la Direction Générale
du Budget : Il s’agit d’inscriptions budgétaires destinées à faire face à des dépenses éventuelles ou imprévues qui ne peuvent pas être identifiées et reparties
avec précision au niveau de chaque département ministériel ou Institution
de la République au moment de l’élaboration du projet de loi de finances.

 
Ces crédits, affectés au Ministre chargé des Finances et exécutés par la Direction
Générale du Budget, sont marqués par une tendance notoirement haussière,
sont devenus un «fourre-tout » et une « cagnotte » insoumise à l’orthodoxie
des finances publiques. Or, l’Etat, en optant pour la mise en œuvre d’une
gestion axée sur le résultat, devrait orienter l’exécution budgétaire vers une
rigueur favorisant l’application stricte de la réglementation des opérations
de dépenses. Ainsi, à défaut de réduire les crédits globaux, il doit les
circonscrire dans des propositions raisonnables.

 
Or, la vérification des dépenses sur les charges communes a fait ressortir
des dysfonctionnements et irrégularités qui ne donnent pas l’assurance
que les ressources y afférentes sont efficacement dépensées. De plus,
l’augmentation du volume des charges communes, en valeur absolue et
en valeur relative, de près de 200% d’augmentation sur la période sous
revue, est le signe d’une maîtrise insuffisante tant dans la préparation que
dans l’exécution de la loi de finances.

 

 

 

La Direction Générale du Budget,
au-delà des larges libertés qu’elle prend dans la gestion de ces crédits
globaux, notamment en ce qui concerne la prise en charge d’une partie de
son fonctionnement, alors même qu’elle dispose de crédits pour ce volet
au niveau de la DFM de son département de tutelle, n’exerce aucun suivi
sur la sincérité des dépenses des structures bénéficiaires de crédits sur
les charges communes.

 

 

Par exemple, des crédits délégués à des services
comme la Primature ne font l’objet d’aucune justification. De plus, le Ministre
chargé des Finances, sans base légale, autorise sur les charges communes
des délégations de crédits comme la prise en charge de l’indemnité
d’installation et d’équipement des membres du Gouvernement et assimilés.

 
En outre, des indemnités de « réinstallation » pour des Ministres maintenus
dans le Gouvernement, aux mêmes fonctions, suite à des remaniements
ou réaménagements techniques sont prises en charge sur ce chapitre.

 
De manière plus inquiétante, les dépenses exécutées sur ces charges
communes sont insuffisamment justifiées ou non justifiées par la Direction
Générale du Budget.

 

Des DAF et DFM :
De nombreux dysfonctionnements et irrégularités financières ont été
constatés dans les DAF et DFM ayant fait l’objet de vérification. Il s’agit de
la DAF de la Primature et des DFM des Ministères chargés des Finances et
de l’Enseignement Supérieur. Les dispositions concernant notamment les
procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics,
des contrats simplifiés, des achats par bon de commande ou bon de travail et
sur la régie ont été systématiquement violées.

 

 

 

Des prestations sont payées
alors qu’elles n’ont pas été exécutées ou ne l’ont été que partiellement. Ces violations sont accompagnées d’un faible système d’archivage qui risque
à l’avenir d’être largement préjudiciable à toute reddition de compte. Du
reste, les faits constatés, de par l’envergure des dysfonctionnements et des
irrégularités engendrés, appellent à une réelle prise de conscience pour
une gestion rationnelle des ressources publiques. Plus spécifiquement, au
niveau de la DAF de la Primature, la vérification a révélé une comptabilité-
matières faiblement tenue, rendant aléatoire le suivi et la sauvegarde de
son patrimoine. Cette situation nécessite une attention particulière en
raison de l’étendue des compétences de la DAF qui gère notamment,
en plus des ressources matérielles et financières du Cabinet du Premier
Ministre, celles des services de la superstructure administrative ou des
services non autonomes dépendant de la Primature. De plus, pour certaines
dépenses effectuées sur la régie, les pièces justificatives sont antérieures
aux décisions de mandatement qui alimentent financièrement ladite régie,
jetant une ambiguïté sur la réalité des dépenses y effectuées.

 

 

 

En outre,
des fonds spéciaux destinés à couvrir les dépenses de souveraineté du
Premier Ministre, prévus dans la loi des finances, n’obéissent à aucune
règle de gestion et aucune précision n’est donnée quant à la nature des
dépenses devant y être effectuées, ni le processus redditionnel spécifique
qui doit s’y appliquer. Cette faiblesse est accentuée par l’absence d’une
réglementation suffisante permettant d’encadrer la gestion de ces fonds.
Et les recommandations de la vérification précédente n’ont jusqu’à présent
pas été mises en œuvre par les Premiers Ministres successifs.

 
En ce qui concerne la vérification de DFM du Ministère chargé du
Développement rural relativement au marché d’acquisition de 1000
tracteurs et accessoires, dans le cadre du lancement de la phase pilote
du programme de mécanisation et de motorisation Agricole initiée par le
Conseil Supérieur de l’Agriculture, elle a entre autres révélé cette primeur
de la volonté politique sur les procédures redditionnelles. Ce marché, qui
procède d’une promesse faite au monde Agricole, a été lancé alors que
l’État n’avait pas les fonds nécessaires pour mobiliser la part correspondant
à sa subvention. Il en a résulté une mauvaise expression des besoins, des
retards dans la remise aux bénéficiaires.
S’agissant de la DFM du Ministère chargé des Finances, dont le premier
responsable assure, en sa qualité de Ministre, le rôle d’Ordonnateur
Principal des recettes du budget général, des comptes spéciaux du Trésor
et de l’ensemble des opérations de trésorerie de l’Etat, sa vérification a fait
ressortir des écarts injustifiés dans la gestion des opérations de dépenses
et surtout, la non-disponibilité de plus de 50% des documents financiers
et comptables concernant la période sous revue. Elle a fait ressortir une
perte financière pour l’État de 1,41 milliard de FCFA.

 

 

Ce constat illustre
à suffisance la mauvaise gestion qui caractérise cette DFM qui, de par
son positionnement stratégique et sensible, doit être le reflet d’une
gestion exempte de pratiques de détournement et de mauvaise gestion
systématique.

 

 

 

Cette vérification a également révélé la nécessité urgente
pour les autorités politiques de prendre des mesures pour la doter d’un
dispositif adéquat de gestion et d’archivage.
Concernant la DFM du Ministère chargé de l’Enseignement Supérieur,
des fournisseurs ont effectué de faux enregistrements dans le but de se
soustraire au paiement des droits d’enregistrement et de redevance dus sur
des marchés. Les services des impôts approchés ont confirmé la fausseté
de ces enregistrements dont le total se chiffre à 24,69 millions de FCFA. Les mêmes pratiques fraudeuses ont été décelées dans le paiement de droits
d’enregistrement dus sur les contrats simplifiés passés par la DFM, privant
l’Etat de la perception d’un montant total de 25,40 millions de FCFA.

 

 
Des Collectivités Territoriales :
A l’orée des nouvelles réformes tendant à renforcer le rôle des Collectivités
Territoriales afin de consolider davantage le processus démocratique,
la vérification de ces entités qui incarnent la décentralisation territoriale
et le développement de proximité vise à s’assurer de l’existence d’un
environnement et d’un cadre de gestion qui encouragent le transfert et
la gestion des ressources financières faites à leur profit par l’Etat central
ainsi que la perception régulière, mais aussi le bon emploi, des ressources
locales.

 

 

Les travaux des vérifications effectuées auprès des Collectivités de
Koulikoro et Sikasso ont, néanmoins, fait ressortir des dysfonctionnements
et irrégularités financières à l’antipode d’une bonne gestion des finances
publiques.

 

 

 

Les ressources sont gérées avec moins de souci d’une
quelconque imputabilité et les comportements des gestionnaires dénotent
que l’autonomie accordée, au regard des compétences transférées, par
l’Etat à ces collectivités territoriales, mérite d’être suivie avec rigueur, si l’on
veut que la décentralisation atteigne réellement ses objectifs. A titre illustratif,
le Président du Conseil Régional de Koulikoro a effectué 83 opérations
d’achats, toutes fictives, pour un montant total de 72,80 millions de FCFA.
De plus, le Maire de la Commune Urbaine de la même collectivité a attribué
des parcelles de terrain sans percevoir les frais d’édilités y afférentes,
occasionnant des pertes pour la Commune d’un montant de 46,28 millions
de FCFA.

 

 
Outre Koulikoro, la collectivité de Sikasso a également confirmé cette
mauvaise gestion généralisée. Il a été révélé un manque de suivi dans le
cadre du transfert de compétences en matière d’enseignement qui a eu
pour conséquence le paiement de salaires de 21 enseignants non identifiés
par le Centre d’Animation Pédagogique.

 

Ces paiements indus, ordonnés
par le Maire de la Commune Urbaine, s’élèvent à 114,98 millions de FCFA.
Des Organismes Personnalisés :
Il ressort des vérifications effectuées auprès du CHU du Point-G, du
Laboratoire Central Vétérinaire et de l’Autorité de Régulation des Marchés
Publics et des Délégations de Service Public, que l’autonomie de gestion,
permettant à ces entités de bénéficier d’un dispositif allégé en matière de
gestion des finances publiques pour une plus grande efficacité, n’est pas
toujours utilisée dans l’intérêt général.

 

 
Ainsi, la vérification du CHU du Point G a relevé que des membres du
Personnel, non habilités et sans aucune base légale, ont accordé des
gratuités qui totalisent 260,99 millions de FCFA. De manière plus grave,
les Responsables des centres de dialyse n’ont pas pu justifier l’utilisation
de kits de dialyses acquis pour un montant de 628,95 millions de FCFA.

 

Le montant total des irrégularités financières au niveau de cet hôpital s’élève à
3,63 milliards de FCFA. Pour un établissement hospitalier de 3ème référence, dans un pays aux multiples défis comme le Mali, cette situation est bien
préoccupante.

 

Des sociétés à participation publique majoritaire : La vérification financière effectuée auprès d’EDM-SA laisse apparaître
que, pour relever le défi énergétique, la gouvernance de la société doit
impérativement changer. En effet, détenue à 66% par l’Etat malien, EDM￾SA ne dispose pas d’un système rationnel de gestion de ses ressources.
En témoigne le non-respect des critères et des besoins de recrutement et
le traitement salarial inéquitable de personnel occupant les mêmes postes
et disposant de la même ancienneté.
En outre, le Directeur Général de la Société a effectué des dépenses irrégulières s’élevant à 25,30 milliards de FCFA relativement à la prise en charge, entre autres, de frais de personnel, d’entretien et de mise à niveau
des groupes, au profit de SOPAM Énergie-SA, l’un de ses fournisseurs
d’électricité qui a affiché une défaillance importante dans le respect de
ses obligations contractuelles.

 

Au demeurant, SOPAM Energie-SA n’est ni
une de ses filiales, ni une société dans laquelle EDM-SA a une prise de
participation. Pourtant, elle a bénéficié de ces dépenses, malgré qu’aucune
clause ne prévoit de telles mesures. Pour quelle finalité ?

 

Daouda Bakary KONE

Par croissanceafrique.com

Mail : croissanceafrik@gmail.com

croissanceafrik
croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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