Le Centre Carter, Observateur indépendant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger de 2015, a publié ce jeudi 14 mai 2019; son quatrième rapport sur l’état de la mise en œuvre. Le rapport signale les reculs récents dans le processus et souligne les principaux obstacles entravant les progrès. Ce rapport se concentre également sur l’état de réconciliation et de justice au Mali.
Le rapport, qui couvre la période allant de janvier à avril 2019, note que pendant cette période le processus de mise en œuvre s’est ralenti et, dans certains cas, a reculé. Bien que plusieurs avancées aient été accomplis – notamment le lancement par le Gouvernement du Mali du processus de réforme constitutionnelle, qui est essentiel pour la mise en œuvre des dispositions clés de l’Accord – peu de progrès ont été accomplis dans la plupart des autres domaines. La période a été marquée par les actions unilatérales du Gouvernement et de la Coordination des mouvements Azawad (CMA), ainsi que par les frictions internes au sein de la Plateforme, qui ont affaibli sa capacité à contribuer au processus de mise en œuvre.
Le rapport de l’Observateur indépendant identifie cinq obstacles principaux au progrès : la faiblesse de la prise de décision concernant la mise en œuvre ; la lenteur du processus de désarmement, de démobilisation, et de réintégration, y compris l’interruption du « DDR accéléré », ; l’absence de services gouvernementaux à Kidal; le manque de consensus parmi les « garants » internationaux de l’Accord; et la crise au centre du Mali. Pour surmonter chacun de ces obstacles, le rapport recommande des mesures spécifiques aux parties maliennes et à la communauté internationale.
Parmi les recommandations : Un mécanisme rigoureux de prise de décision, pour la mise en œuvre, devrait être mis en place, impliquant la soumission au Président de la République des recommandations spécifiques, par le Gouvernement, la CMA et la Plateforme, pour approbation/désapprobation. La communauté internationale et le Conseil de sécurité des Nations Unies devraient établir un calendrier clair et contraignant pour le processus de DDR. La CMA et la Plateforme, ainsi que le Gouvernement, devraient s’engager publiquement et conjointement à revigorer le processus de DDR.
Dans un climat de tensions croissantes entre certaines communautés au Mali, tel que mis en relief par le massacre d’Ogossagou en mars, le rapport se concentre particulièrement sur l’état de la réconciliation et de la justice, un des piliers centraux de l’Accord de 2015. Le rapport constate que les questions de réconciliation et de justice sont les parents pauvres du processus de la mise en œuvre. Notant que la Conférence d’entente nationale n’a pas réussi à générer la réconciliation prévue, l’Observateur indépendant recommande aux parties maliennes de renouveler et de revigorer leur engagement en faveur de cette partie essentielle de l’Accord.
L’Observateur indépendant suggère une approche plus coordonnée pour soutenir les divers efforts de réconciliation en cours et que : Les résultats de la stratégie de réforme de la justice 2015-2018 du Gouvernement soient publiés. Le rôle de la justice traditionnelle dans le système de justice malien soit clarifié, comme le stipule l’Accord. Le mandat de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation soit revigoré et renouvelé.
Les parties maliennes établissent plus clairement une politique en matière de justice transitionnelle et de responsabilité individuelle pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, conformément à l’Article 46 de l’Accord.
Par ailleurs, le rapport examine la situation des réfugiés et des personnes déplacées internes, ainsi que les questions humanitaires de manière générale. Il note que, en dépit des engagements des parties signataires, certains réfugiés affirment ne pas disposer de suffisamment d’informations pour décider s’ils peuvent rentrer chez eux.
L’Observateur indépendant a également constaté que, en partie à cause de l’absence de dialogue systématique avec les organisations humanitaires, les parties signataires n’ont pas pleinement respecté leur engagement de faciliter l’accès aux acteurs humanitaires.
Le rapport se termine en soulignant que l’insécurité, la criminalité et la violence mettent à mal les civils dans des importantes zones du Mali, en particulier dans les régions de Gao, Menaka, et Mopti. Le ralentissement ou même le recul de la mise en œuvre de l’Accord contribue, directement ou indirectement, à l’accroissement de l’insécurité. Sans une action rapide en matière de DDR et de réconciliation, ainsi que de réformes politiques, le processus de mise en œuvre pourrait être fondamentalement compromis. Le rapport appelle les parties maliennes et la communauté internationale à consacrer une attention renouvelée et ciblée au processus de mise en œuvre. Le rapport complet est disponible ici.
Daouda Bakary KONE
Source: Croissanceafrique.com