Mohamed Lamine SIDIBE- Chercheur associé à WERRA Think Tank: « Le secteur minier a toujours occupé une place démesurée dans l’économie des pays Africains », ENTRETIEN EXCLUSI

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(CROISSANCE AFRIQUE)- Economiste/environnementaliste spécialiste des ressources extractives (mines et hydrocarbures). Mohamed Lamine Sidibé travaille sur les impacts sociaux-économiques de l’exploitation des ressources minières, et le processus de transparence qui impliquent la gestion de ces ressources en Guinée et en Afrique de l’Ouest. Diplômé en master 2 en gouvernance et gestion des impacts des activités extractives, de l’Université de Nouakchott (UNA) de Mauritanie et l’Université Gaston Berger (UGB) du Sénégal. Le sieur Sidibé a suivi plusieurs formations certifiantes, notamment sur la gestion de la rente minière en Afrique avec l’institut des hautes études de développement durable basé en France et une autre avec Paris 1, sorbonne, portant sur les ressources naturelles et le développement des territoires en Afrique. En 2019, il a pris part à la validation de l’étude d’impact environnementale et sociale du projet de barrage Kogbèdou-Franconèdou situé dans la préfecture de Kérouané en Haute-Guinée. Cette semaine, nous avons à travers votre magazine panafricain CROISSANCE AFRIQUE décidé de lui notre micro afin qu’il nous parles un peu du secteur minier Africain. C’est désormais une chose faite puisqu’il nous parle des difficultés des pays à faire face aux enjeux. Lisez Mohamed Lamine Sidibé.

Mohamed Lamine SIDIBE- Chercheur associé à WERRA Think Tank

1-Pouvez-vous, nous parler de vous ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Je m’appelle Mohamed Lamine SIDIBE, économiste/environnementaliste spécialiste des ressources extractives (mines et hydrocarbures). Je travaille sur les impacts sociaux-économiques de l’exploitation des ressources minières, et le processus de transparence qui impliquent la gestion de ces ressources en Guinée et en Afrique de l’Ouest. Je suis également chercheur associé à WERRA think Tank, basé à Paris.

Mes travaux auprès de WERRA, portent essentiellement sur les enjeux stratégiques et géopolitiques des minerais de la transition énergétique, en mettant un accent particulier sur la stratégie des acteurs Américains, Européens et Chinois pour l’acquisition de ces ressources sur le continent. Je suis auteur de plusieurs articles dont le dernier est intitulé « raffinage de la bauxite en Guinée : quels enjeux et défis pour le pays ? » parus en novembre 2022 chez Werra en France. Je participe régulièrement aux conférences et sommets sur les questions extractives dans une perspective Africaine.

2-Quel est votre parcours académique ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Je suis diplômé en master 2 en gouvernance et gestion des impacts des activités extractives, de l’Université de Nouakchott (UNA) de Mauritanie et l’Université Gaston Berger (UGB) du Sénégal. J’ai suivi plusieurs formations certifiantes, notamment sur la gestion de la rente minière en Afrique avec l’institut des hautes études de développement durable basé en France et une autre avec Paris 1, sorbonne, portant sur les ressources naturelles et le développement des territoires en Afrique. J’ai également passé un stage professionnel auprès du secrétariat exécutif de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) guinée, d’où j’ai préparé mon mémoire portant sur ‘’la normalisation des financements et la gestion de la rente minière dans les collectivités locales’’. En 2019, j’ai pris part à la validation de l’étude d’impact environnementale et sociale du projet de barrage Kogbèdou-Franconèdou situé dans la préfecture de Kérouané en Haute-Guinée. Et passer un stage pratique à l’Agence Guinéenne d’Evaluation Environnementale (AGEE) en 2019.

3-Parlez-nous un peu du secteur minier Africain ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Il faut d’abord retenir que le secteur minier a toujours occupé une place démesurée dans l’économie des pays Africains. Selon le FMI, 35 pays Africains ont une dépendance directe aux exportations des matières premières et 40% des revenus des pays du continent sont adossés aux exportations des produits de base (mines, pétroles, produits agricoles). Cette extraversion pose une vulnérabilitéet un risque énorme pour la plupart des pays de la région, non seulement à cause de la volatilité du prix des matières premières sur les marchés mondiaux, mais également le contre-coup que les pays du continent peuvent subir à cause de la conjoncture économique dans d’autre région du monde comme en Chine ou dans les pays de l’UE ou encore aux États-Unis qui sont les principaux partenaires économiques de l’Afrique.

« Le monopole exercé par les entreprises chinoises sur ces minerais en Afrique, alimentent une compétition géopolitique entre les grandes puissances présentes dans cette arène ».

Quant au secteur des mines, il subit une mutation extraordinaire, due essentiellement aux enjeux de la transition énergétique dans les pays industrialisés, qui se caractérise par une exploitation à grande échelle des minerais de la transition énergétique, en particulier le cobalt dont la RDC est responsable de 70% de l’offre mondiale, il y a également le lithium produit en Zimbabwe et bientôt au Mali, le graphite à Madagascar.Ces minerais stratégiques constituent une alternative aux sources d’énergie fossile comme le pétrole ou encore le gaz naturel pour amorcer la transition bas-carbone. Le monopole exercé par les entreprises chinoises sur ces minerais en Afrique, alimentent une compétition géopolitique entre les grandes puissances présentes dans cette arène. A ce niveau, la question que je me pose est de savoir si l’Afrique va telle céder à son propre défi énergétique au prisme de la concurrence internationale ?

4-Dans le cadre de la vulgarisation du secteur minier en Afrique. Avez-vous travaillé pour des société ou compagnie minière ou pour des gouvernements en Afrique ?

Mohamed Lamine SIDIBE :  Pas vraiment, jusqu’à ce jour, je n’ai travaillé que pour les cabinets privés (cabinet d’avocat, cabinet de consulting). Mais il faut croire que nos États ont profondément besoin des spécialistes pour les orientés dans les prises de décision stratégiques afférent au secteur extractifs (mines, hydrocarbures).Surtout sur les enjeux actuels de la transition énergétique, qui sont de nouvelle thématique pour la plupart des administrateurs civiles Africaines. Ces également le cas pour les entreprises minières, notamment dans l’amélioration de leurs performances sociales et environnementales.

5-Comment analysez-vous l’évolution du secteur minierAfricain ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Je dirais que le secteur minier Africain a connu deux évolutions majeures. La première date des années 1980, suite à l’introduction des politiques d’ajustement structurelles, qui ontconduit à la libéralisation des entreprises minières Africaines et l’introduction des réglementations attractives pour attirer les investisseurs étrangers.Ainsi, au cours de cette période, le paysage minier Africain fut largement dominé par les entreprises occidentales, particulièrement Anglo-Saxonnes, qui ont profité du dumping fiscal et réglementaireentre les ÉtatsAfricains, pour payer moins de taxes et de redevance aux pays de la région, limitant ainsi leurs marges de manœuvre en termes de bénéfice.

« L’enjeu principale pour l’Afrique demeure le développement économique et sociale, afin d’échapper à la malédiction des ressources naturelles dans un contexte de transition bas-carbone »

Or, la deuxième phase est plutôt complexe et hétérogène, dans la mesure où les pays Africains riches en ressources naturelles se voient courtiser à la fois par les entreprises occidentales et ceux des pays émergents (Chinoises et Indiennes) afin de s’arracher les minerais et métaux du continent. Et, le changement de modèle économique amorcé depuis la COP21 à Paris, exacerbe cette compétition entre l’est et l’ouest autour des minerais stratégiques Africaines. Toutefois, l’enjeu principale pour l’Afrique demeure le développement économique et sociale, afin d’échapper à la malédiction des ressources naturelles dans un contexte de transition bas-carbone, car ces minerais dit stratégique, se vendent à coup important sur les marchés mondiaux, à l’instar du cobalt dont le prix est passé de 20 mille dollars la tonnes à 50 mille dollars. Pourtant les pays Africains ne disposent d’aucune chaîne de transformation domestique de ces minerais dite stratégique. Ce qui fragilise d’avantage la résilience économique des Etats Africains dépendant de l’exportation de ces ressources et les placent dans une position de vulnérabilité face aux chocs extérieurs, comme la Covid-19 ou encore la guerre en Ukraine. En plus, la question environnementale s’invite dans le débat et nous pousse à nous questionner si cette course à la croissance verte ne risque tel pas de transformer l’Afrique en lieu et place d’une dégradation environnementale délocalisés.

6-Quel est le niveau d’avancement de l’extraction minière en Afrique ? Y’a-t-il des leçons à enseigner ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Il faut avoir l’audace de dire que le continent se dirige vers une trajectoire semblable à celle qu’il a emprunté il y a trois décennies, c’est-à-dire, la continuité des politiques néolibérales et l’extraversion continue de ses structures de production minière. Or, le Covid-19 et la crise Russo-Ukrainienne, nous ont enseigné que, la maîtrise des chaînes de valeur minière permettait de mieux contrôler la fluctuation des coûts et d’esquiver les perturbations liées aux chaînes d’approvisionnement. Malgré cet enseignement, le secteur minier reste dans le statut-Co dans la plupart des pays Africains riches en ressources naturelles, car leurs dépendances s’accentuent année après année à l’exportation de la matière brute au détriment de la transformation. Bref, la principale leçon à enseigné, serait que le covid-19 et la crise Russo-Ukrainienne sont des occasions ratées pour les pays Africainsd’amorcer le processus de transformation structurelle de leur économie.

7-. Que doivent jouer les dirigeants du continent Africain pour un secteur minier plus attractif et rentable ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Le secteur minier Africain est déjà très attractif de mon point de vue, mais moins rentable pour les pays de la région. Je rappelle qu’à l’issue du‘’Consensus de Washington’’, la Banque Mondiale a opéré 35 programmes de réforme minière dans 24 pays dont deux trières concernaient les Etats Africains. Ces réformes ont abouti à l’adoption des codes miniers attractifs, contenant assez d’exonérations à tous les niveauxde la chaîne d’exploitation minière, pour faciliter le retour de investisseurs étrangers.

« Les recettes fiscales ne représentent que 15% du PIB en Afrique contre 23% en Amérique latine et 35% dans les pays de l’OCDE »

Mais, nous remarquons que, d’autre région comme l’Amérique Latine, se sont affranchies de cette politique néolibérale aux profits de la nationalisation des entreprises minières. Le Mexique est l’illustration parfaite de cette mesure, à travers la création d’une société nationale d’extraction du lithium, pareil pour le Chili, qui a nationalisé une partie de ses mines de lithium et envisage même de créer une chaîne de fabrication des batteries électriques pour véhicule rechargeable. Pourtant, l’Afrique subsaharienne est incapable de faire la rupture avec l’approche traditionnelle imposé par les institutions de Bretton Woods. Or la banque mondiale, elle-même a reconnu que les modèles qu’elle a aidé à mettre en place ne permettait pas aux Etats Africains de profiter de la monté des prix des matières premières, en l’occurrence les minerais et métaux. Et le constat révèle que les recettes fiscales ne représentent que 15% du PIB en Afrique contre 23% en Amérique latine et 35% dans les pays de l’OCDE. Cela prouve à suffisance que, les dirigeants Africains doivent s’affranchir de cette politique néolibérale en nationalisant ou en créant des sociétés mixtes pour bénéficier de la remontée des cours mondiaux des matières premières. Exiger aux partenaires chinois, américains et européens de créer de véritable chaîne de transformation locale pour capter plus de valeur ajoutée et stimuler le marché de l’emploie. Améliorer le cadre de gouvernance et de transparence à travers le renforcement de capacité institutionnelle et bien d’autres choses.

Economiste/environnementaliste spécialiste des ressources extractives (mines et hydrocarbures). Mohamed Lamine Sidibé travaille sur les impacts sociaux-économiques de l’exploitation des ressources minières, et le processus de transparence qui impliquent la gestion de ces ressources en Guinée et en Afrique de l’Ouest.

8-Quel est ce pays Africain, auxquels long peut faire confiance dans ce domaine spécifiquement ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Plusieurs pays Africains commencent à avoir du pragmatismedans le secteur des mines. L’actualité récente nous a fait découvrir le Zimbabwe, qui a exigé à ses différents partenaires exploitant le lithium sur son territoire de construire des unités de transformation surplace. La même démarche a été remarqué du côté de la RDC et de son voisin Zambien au cours de l’année 2022, cette fois pour harmoniser les stratégies de développement en matière de création des chaînes de production des batteries électriques. La Guinée et le Gabon ont tous les deux adoptés le même narratif d’installation d’unité de transformation locale des minerais et métaux. Donc on sent qu’il y a des prémices de changement dans ce secteur.

9-Parlez-nous de vos projets dans le domaine du secteur minier en Africain ? Que pensez-vous du manque criard de la raffinerie minière en Afrique ?

Mohamed Lamine SIDIBE : J’ai développé en 2022, avec quelques camarades l’idée de l’Observatoire Guinéen des Mines et Métaux, qui est une organisation hydride, c’est-à-dire, à la fois think tank et OSC. Cette entité qui sera entièrement opérationnelle en 2023, va conseiller les décideurs et l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le secteur extractif en Guinée et à l’échelle Africain sur divers enjeux, notamment structurels, stratégiques, environnementaux afin de maximiser les bénéfices et de réduire les impacts environnementaux et sociaux. Mes collègues et moi avions nouer de solide relation avec plusieurs centres de recherche crédible à travers le monde, que ce soit en Europe ou aux États-Unis ou encore en Afrique pour travailler sur des enjeux qui concernent directement ce secteur.

« Les études ont révélé que pour arriver à transformer un million de tonne de bauxite Guinéenne, il faudrait une capacité de 2741 MW »

Quant à la question du manque de raffinerie, il s’explique par le déficit d’infrastructure et d’énergie. Or la plupart des pays du continent ne possèdent ni l’un ni l’autre. Je prends un exemple, lorsque la compagnie pétrolière italiennes ENI, à découvert les gisements dans le champ gazier Égyptien, ils ont trouvé nécessaires de le liquéfié directement en Égypte, car le pays disposait déjà des infrastructures de ce type, et l’énergie nécessaire pour la liquéfaction. Alors qu’en Guinée par exemple,un pays où le gouvernement aspire à transformer la bauxite avant son évacuation, ne dispose pas d’une capacité énergétique de plus de 1000 MW. Et les études ont révélé que pour arriver à transformer un million de tonne de bauxite Guinéenne, il faudrait une capacité de 2741 MW. Ce qui ne joue pas en faveur de la Guinéeen termes de revenu, car la valeur de l’alumine est 7 fois plus importante que celui de la bauxite d’après la Banque Mondiale. Bref, il va falloir maîtriser la production énergétique et construire les infrastructures nécessaires à la transformation des matières premières Africaines.

10-Quels sont vos défis et perspectives concernant le domaine de mines et commodités ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Le principaldéfipour moi est d’aider à façonner le secteur extractif Africain pour la rendre plus pertinent et innovant au niveau local, national et international. De conseiller les décideurs sur les enjeux stratégiques, géopolitiques, économiques et environnementaux dans une perspective Africaine. En termes de perspective, J’ambitionne de repousser les limites en matière de recherche, de conseil, d’analyse grâce à une collaboration étroite avec les parties prenantes de ce secteur.

11-Votre mot de fin ?

Mohamed Lamine SIDIBE : Mon mot de la fin est adressé aux dirigeantset hommes politiques Africains pour leurs dired’écouter les centres de recherche, les think tank, les chercheurs, bref l’intelligentsia Africaine dans leurs prisent de décisions.

Réalisé par Daouda Bakary Koné

croissanceafrik
croissanceafrikhttp://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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