(CROISSANCE AFRIQUE)- La Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation, récemment élaborée, constitue un pas important vers la reconstruction de notre unité nationale. Elle consacre de nombreux principes fondamentaux (dialogue, justice, solidarité, gouvernance vertueuse ) pour jeter les bases d’une société réconciliée et pacifiée.
Cependant, à la lecture attentive de ce texte fondateur, un facteur historique et stratégique de paix semble avoir été largement oublié : le rôle des échanges commerciaux interrégionaux et intercommunautaires dans la consolidation de la paix et du vivre-ensemble.
Le commerce, ciment historique de l’unité malienne
Bien avant l’émergence de l’État moderne, nos territoires ont bâti leur stabilité sur les routes commerciales. De Tombouctou à Djenné, de Gao à Sikasso, les caravanes de sel, d’or, de bétail et de céréales ont tissé des liens indestructibles entre les peuples.
Les marchés hebdomadaires et les foires traditionnelles étaient (et demeurent ) des lieux où l’on échange non seulement des biens, mais aussi des paroles de paix, des alliances matrimoniales et des pactes de coexistence pacifique.
Ces échanges ont toujours permis de désamorcer les tensions, car l’interdépendance économique rendait la guerre coûteuse et la coopération indispensable.
Le commerce, facteur de paix durable
Aujourd’hui encore, la vitalité du commerce interrégional est une clé pour stabiliser notre pays :
• Il réduit la pauvreté et atténue les inégalités économiques qui nourrissent les frustrations sociales.
• Il connecte les régions fragiles du Nord et du Centre aux pôles économiques du Sud, renforçant leur sentiment d’appartenance à l’État.
• Il favorise les rencontres intercommunautaires et restaure la confiance entre groupes parfois instrumentalisés par la violence.
• Il crée des interdépendances positives, rendant les conflits économiquement irrationnels.
Des leçons internationales inspirantes
Le Rwanda, après le génocide de 1994, a misé sur les coopératives mixtes et les marchés communautaires pour reconstruire la cohésion sociale.
En Colombie, l’intégration économique des zones de conflit a permis d’offrir aux populations des revenus légaux, réduisant leur dépendance aux réseaux armés.
Même l’Union européenne, née des cendres de deux guerres mondiales, s’est construite autour d’un marché commun, rendant toute guerre économiquement impossible.
Un oubli à réparer dans la Charte nationale
La Charte nationale pour la Paix et la Réconciliation ne consacre pas explicitement ce levier pourtant essentiel. Elle ne définit pas de programme national de promotion des échanges commerciaux interrégionaux et intercommunautaires (bâtis sur l’exploitation judicieuse des atouts et potentialités de chaque région )comme instrument de paix.
Cet oubli est regrettable car sans relier économiquement nos régions et communautés, la paix restera fragile.
Appel à l’action
Nous proposons que cet aspect soit intégré :
• Dans la prochaine révision de la Charte, à travers un chapitre dédié au commerce et à l’intégration économique interne.
• Dans les politiques publiques, en finançant des infrastructures reliant les régions, en soutenant des foires de paix, des coopératives interethniques , en encourageant les investissements et en renforçant les corridors commerciaux sécurisés.
Favoriser beaucoup plus les interactions et les échanges entre nos différentes régions et communautés sont la meilleure façon d’accélérer et de consolider la paix dans notre pays.
Comme le rappellent nos ancêtres : « Un marché où les peuples se rencontrent est plus fort qu’un champ de bataille. »
H. Niang
Citoyen lambda