7 mai 1995, vers 21h. L’heure est à la fête dans les rues de Paris. De l’avenue d’Iéna à la Concorde, la droite française célèbre la victoire qu’elle attendait depuis 14 ans. Dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, une haute silhouette en costume gris s’avance face à l’assemblée, qui scande son nom en battant des mains. Jacques Chirac – puisque c’est de lui qu’il s’agit – savoure l’instant. « À l’heure où je vous parle, les résultats connus montrent que vous avez décidé de me confier la plus haute charge de l’État », commence-t-il sous les vivas de ses partisans et les lustres du salon.
Une heure plus tôt, celle de la consécration, son visage est apparu sur les écrans des téléviseurs. En légende, un chiffre : 52%, son score au second tour de l’élection présidentielle face au socialiste Lionel Jospin. Celui qui a entamé sa carrière politique voilà plus de 30 ans voit enfin son acharnement récompensé. Maire, député, secrétaire d’État, ministre et Premier ministre, il a déjà pris presque tout ce qu’une carrière politique peut offrir. « Ce soir, poursuit Jacques Chirac derrière son pupitre en plexiglass, je pense à mes parents… »
Un aventurier contrarié
Abel-François et Marie-Louise Chirac, née Valette, sont décédés depuis longtemps déjà quand leur fils accède à la fonction suprême. Ils se sont mariés en 1921 et très vite, leur vie de couple a été marquée par un drame : la mort de leur fille à l’âge de 2 ans. Jacques naît presque dix ans plus tard, le 29 novembre 1932, dans le Ve arrondissement de Paris. Son père, employé de banque, est un homme froid et autoritaire, tandis que sa mère, énergique et chaleureuse, le couvre d’attention.
L’enfant unique grandit entre les beaux quartiers parisiens et la campagne corrézienne. Il se décrit comme un garçon turbulent, plus prompt à faire les 400 coups qu’à réviser ses leçons, mais aussi épris de poésie et d’arts lointains. Jacques Chirac connaît ses premiers engagements politiques au lycée sans que ses convictions ne soient encore très affirmées. D’abord adhérent au Rassemblement du peuple français fondé par le général De Gaulle, il s’encanaille au début des années 1950 avec le Parti communiste, et signe l’Appel de Stockholm pour l’interdiction des armes nucléaires.