GÉOPOLITIQUE : « L’OCCIDENT SE TROMPE SUR L’IRAN » SELON L’ÉCONOMISTE SÉNÉGALAIS MAGAYE GAYE

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L’Occident et ses alliés commettent une erreur stratégique majeure en traitant l’Iran comme un simple acteur régional à neutraliser. L’Iran est devenu leur bête noire, qu’ils cherchent à affaiblir, voire à éradiquer. Mais cette obsession repose sur une méconnaissance profonde de ce pays : ni arabe, ni soumis, mais perse, souverain et résolument indépendant.

Ce que l’Occident ne comprend pas — ou feint d’ignorer —, c’est que l’Iran :

  1. Est une civilisation millénaire, héritière d’un empire qui a précédé l’islam et façonné l’histoire du monde.
  2. Est porté par une foi ancrée, mais aussi par une identité nationale forte, distincte du monde arabe.
  3. A su refuser toute domination, en particulier occidentale, depuis la révolution de 1979.
  4. Possède des ressorts de résistance insoupçonnés – politiques, militaires, technologiques et idéologiques.

L’Iran n’est pas dans une logique de soumission ou de compromission. Contrairement à certains dirigeants arabes obsédés par l’agrément des puissances occidentales, les Iraniens agissent selon une logique de souveraineté, de cohérence et de dignité.

Mais au-delà de l’hostilité idéologique, c’est l’incohérence de l’Occident qui interroge.

La France, par exemple, condamne la Russie au nom du droit international parce que Moscou a lancé une guerre sans agression préalable ukrainienne. Pourtant, dans le cas d’Israël et de l’Iran, Paris applaudit une « frappe préventive » israélienne sur un autre État souverain — sans attaque directe sur le sol israélien. Deux poids, deux mesures. Où est la cohérence ?

On nous parle de « menace existentielle » de l’Iran contre Israël. Mais depuis quand un discours idéologique — aussi discutable soit-il — justifie-t-il une attaque militaire contre un pays signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), toujours sous la surveillance de l’AIEA ? L’Iran aurait enrichi de l’uranium à 60 %, mais n’a jamais franchi le seuil militaire. Israël, lui, n’a jamais signé le TNP, ne fait l’objet d’aucun contrôle international, et détient des ogives nucléaires dans l’impunité totale. Faut-il comprendre que la légalité internationale ne s’applique qu’aux pays non alignés ?

Cette diplomatie de la géométrie variable mine la crédibilité morale de l’Occident. En validant une frappe préventive sur la base d’un simple « soutien indirect » de l’Iran à des groupes armés comme le Hezbollah ou les Houthis, on ouvre une brèche terrible dans le droit international : demain, qu’est-ce qui empêcherait une autre puissance d’invoquer ce même « risque indirect » pour frapper un État ? La sécurité mondiale devient alors une affaire d’interprétation subjective. C’est la porte ouverte à la loi de la jungle.

Et ce n’est pas tout.

Derrière cette affaire iranienne se cacherait une stratégie occidentale plus large, subtile et inquiétante :

1 D’abord, sous-traiter à Israël certaines opérations de déstabilisation — notamment contre le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.

2 Ensuite, s’attaquer directement à l’Iran, pivot régional gênant.

3 Puis, affaiblir la Turquie, autre puissance majeure du Moyen-Orient.

4 Enfin, viser à contenir durablement l’islam politique et à redessiner l’ordre régional selon des intérêts extérieurs.

Cette stratégie pourrait être activement nourrie par des services de renseignement, des réseaux d’influence, des médias alignés, et une diplomatie sélective. Mais tout cela repose sur une erreur fondamentale : on ne gouverne pas le monde contre les peuples, contre la souveraineté des nations, contre l’histoire et la foi.

Que l’on se souvienne :

1 De l’échec cuisant de l’opération Eagle Claw en 1980, lorsque les hélicoptères américains envoyés par Carter pour libérer les otages à Téhéran s’écrasèrent dans le désert.

2 De la guerre Iran-Irak, dans laquelle Saddam Hussein, soutenu par l’Occident, échoua à faire tomber la République islamique malgré huit ans de guerre totale.

L’Iran a depuis renforcé sa posture régionale, multiplié les alliances stratégiques (notamment avec la Russie et la Chine), et gagné en crédibilité idéologique dans le Sud global. Il dispose sans doute d’un arsenal de dissuasion, de capacités cybernétiques et d’une résilience intérieure que l’Occident sous-estime gravement.

Après son enlisement en Ukraine, l’Occident risque d’ouvrir un deuxième front de défaite morale et stratégique au Moyen-Orient. Cette fois, contre un pays-racine, pétri d’histoire, de foi et de patience.

Ce ne sera pas un conflit. Ce sera un bourbier, un choc de civilisations mal compris, une équation insurmontable pour des puissances en perte de repères éthiques.

Par Magaye GAYE économiste international, ancien Cadre de la BOAD

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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