La transition énergétique en Afrique : une opportunité de concilier digitalisation et développement durable

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(CROISSANCE AFRIQUE)- La transition énergétique est aujourd’hui un enjeu et une préoccupation majeurs en Afrique, ainsi que l’illustre la tenue de la COP27 à Sharm El Sheik en novembre 2022. En effet, alors que le continent émet moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre[1], il est le plus exposé aux conséquences du réchauffement climatique.

Conditions climatiques extrêmes, inondations, sécheresses, érosion côtière, ces chocs menacent de nombreux secteurs d’activités clés pour l’économie des pays et de facto, pour les populations, accentuant ainsi l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les migrations. 

Conscients de la nécessité de répondre urgemment à ces défis, de nombreux pays africains font preuve d’un engagement fort et ferme en faveur d’une transition énergétique pérenne et durable, levier de croissance économique. C’est également le cas des Nations Unies à travers l’Objectif de Développement Durable (ODD) n°7 qui vise à “garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable”. 

La révolution numérique en cours sur le continent apparaît dès lors essentielle pour améliorer l’accès à l’énergie, intégrer les énergies renouvelables et décarboner les systèmes électriques. Elle se présente ainsi comme une opportunité de concilier croissance économique et développement durable. L’Afrique se trouve donc à la croisée d’un défi crucial mais également d’une opportunité sans précédent : réussir cette double transition entre digitalisation et décarbonation, qui constituera un vecteur notable de croissance économique. 

La révolution numérique, catalyseur de la transition énergétique en Afrique ? 

L’innovation numérique est cruciale face au changement climatique. Selon un rapport conjoint de la Société financière internationale (SFI) et de Google, l’économie numérique africaine devrait atteindre une valeur de 180 milliards de dollars d’ici 2025 et pourrait même atteindre 712 milliards de dollars d’ici 2050, représentant ainsi 8,5% du produit intérieur brut (PIB) régional[2].

En prenant en compte ces chiffres, il apparaît certain que l’adoption de technologies telles que l’Internet des Objets (IoT), l’intelligence artificielle (IA) et le cloud peut avoir un impact significatif sur le présent et l’avenir du continent africain. A cet égard, la Banque africaine de développement (BAD) a régulièrement mis en avant l’importance de recourir aux technologies de pointe et à l’innovation afin de stimuler les économies africaines vers un avenir à faible émission de carbone. Voulant ainsi agir en faveur d’une croissance verte, la BAD a déployé le programme Technologies pour la Transformation de l’Agriculture Africaine (TAAT), qui illustre la manière dont l’institution internationale appuie la transformation technologique dans les pays africains à travers l’innovation et la gestion des connaissances. L’exemple du secteur agricole apparaît à cet effet tout à fait idoine. Il est en effet essentiel que l’agriculture tire parti des progrès numériques afin de faire face aux défis posés par le changement climatique et ainsi satisfaire la demande croissante d’autonomisation, de digitalisation et de durabilité des exploitations agricoles.

Face à l’urgence climatique et à la demande croissante en énergie – qui exigent la prise en compte de l’environnement dans les projets de développement -, il apparaît donc crucial de faire des nouvelles technologies les moteurs d’une croissance durable en harmonie avec les enjeux environnementaux. Ce point a tout particulièrement été mis en avant lors de l’Africa CEO Forum qui s’est tenu au début du mois à Abidjan, lors duquel l’entreprise Huawei a organisé un panel le 5 juin en présence de personnalités éminentes parmi lesquelles Tonny BAO, Vice-Président, Huawei et Son Excellence Monsieur Amadou COULIBALY, Ministre de la Communication et de l’Économie Numérique et Porte-Parole du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire. Réunis autour du thème « Libérez le numérique pour une Afrique durable et inclusive« , des experts de renom ont souligné l’importance de participer à la construction d’une Afrique entièrement numérique et durable. Ils ont à cet effet rappelé que le secteur numérique avait le potentiel de contribuer jusqu’à 20% à la réduction des émissions mondiales de carbone.

À cet égard, l’utilisation de sources d’énergie renouvelable, dont l’Afrique dispose abondamment, est essentielle. Sur le continent, l’énergie photovoltaïque se démarque ainsi comme une solution prometteuse pour l’Afrique, puisque le continent bénéficie d’un taux d’ensoleillement abondant (10 Térawatt-heure)[3]. Ce potentiel ne pourra être pleinement exploité qu’à l’aide d’innovations technologiques.

Sur le continent, les start-ups GreenTech sont particulièrement engagées dans cette démarche. Leur nombre augmente progressivement et elles jouent un rôle de premier plan dans la transition énergétique en exploitant les technologies numériques. Portées par une jeunesse ambitieuse, ces jeunes pousses s’attachent à répondre aux besoins et attentes des populations dans leurs pays et ainsi surmonter les obstacles avec une détermination sans limites qui leur est propre. De même, les entreprises technologiques opérant sur le continent jouent également un rôle crucial pour aider les populations à adopter et tirer parti de la puissance de la digitalisation permettant ainsi de s’adapter au changement climatique et à la transformation durable. Reconnaissant que l’énergie solaire est une solution prometteuse car permettant un déploiement rapide, à grande échelle et dans des zones éloignées d’une énergie décarbonée et économiquement accessible, Huawei a déployé la solution Rural Solar Power. Celle-ci combine les réseaux agricoles avec l’énergie solaire, formant ainsi un écosystème intégral reposant sur les réseaux, l’accès à l’électricité et l’accès aux applications pour les populations vivant dans les zones rurales. Entre 2014 et 2021, trois phases de ce projet ont été signées entre l’entreprise et le ministère de l’Eau et de l’Énergie du Cameroun, permettant à plus de 40 000 ménages de 350 villages du pays d’avoir accès à l’électricité.

Un autre exemple pertinent est celui des smart cities. Elles représentent une illustration concrète de la manière dont l’urbanisation, la révolution numérique et la durabilité peuvent s’intégrer de manière réussie et bénéfique dans un contexte de forte croissance démographique. Mises en œuvre dans de nombreux pays africains, ces projets permettent notamment, dans le cas qui nous intéresse, une gestion plus efficace des ressources énergétiques et une amélioration de la qualité de vie des habitants. Ces villes intelligentes utilisent en effet des systèmes et des infrastructures technologiques avancées permettant d’optimiser la consommation d’énergie, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et in fine d’améliorer l’efficacité énergétique globale.

Comment faciliter la transition énergétique grâce aux nouvelles technologies ?

Afin de libérer pleinement le potentiel de la transition énergétique associée aux nouvelles technologies, des défis restent encore à surmonter.

La principale problématique réside dans la nécessité d’assurer l’électrification du continent, étant donné son étroite relation avec la transition vers un développement durable. Or, d’après les données partagées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 500 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’avaient pas accès à l’électricité en 2021. Toujours selon les propos de l’institution, ce manque d’accès dans cette partie du continent est resté globalement inchangé par rapport à la situation observée en 2010.[4]

La faiblesse du taux d’électrification constitue un défi majeur qui limite considérablement les opportunités de développement socio-économique en Afrique. De plus, cela entrave la capacité du continent à entreprendre une transition énergétique durable et à long terme.


Ce premier obstacle est principalement dû à la faiblesse des infrastructure – de transport et de distribution d’électricité -, qui s’explique notamment par des coûts élevés et des difficultés à déployer le réseau dans certaines régions du continent, notamment les zones rurales, ce qui limite la possibilité d’acheminer l’énergie de manière optimale, fiable et économique. Il est donc essentiel d’intensifier et de renforcer le déploiement de telles infrastructures. Cela nécessite une mobilisation et une implication accrue de tous les acteurs de l’écosystème, tant publics que privés, car un tel développement ne pourra pleinement advenir sans un recours aux moyens humains, techniques et financiers. A cet effet, le développement des smart grids sur le continent apparaît progressivement comme une solution propice répondant au défi de l’électrification sur le continent. Ainsi, en 2022, Engie Energy Access, l’une des branches du groupe français Engie, a mis en service son premier mini-réseau solaire photovoltaïque à Gbangba, au Nigeria. Cette installation a permis à1 500 personnes vivant en zone rurale d’accéder à l’électricité, desservant aussi bien des particuliers que des entreprises[5]. Autre exemple, en Éthiopie, Huawei a déployé quelques 400 sites solaires utilisant des solutions Advanced Hybrid Power ainsi que des Smart Micro Grids, l’énergie solaire étant alors utilisée pour fournir de l’énergie aux stations de communication. Ces sites solaires permettent d’économiser plus de 12 millions de litres de carburant diesel chaque année, contribuant ainsi à réduire les émissions de carbone de 2 850 tonnes.

Autre problématique identifiée, pourtant bien que cruciale, le manque de formation dans le secteur des nouvelles technologies. Celle-ci est pourtant un pilier fondamental permettant aux populations de prendre elles-mêmes en main de manière autonome les défis soulevés par une transition énergétique intelligente. Il est ainsi essentiel de développer des compétences nécessaires pour l’installation, la maintenance et la gestion d’infrastructures énergétiques nouvelles et durables. Les techniciens et les ingénieurs formés dans le domaine des énergies renouvelables, tels que l’énergie solaire et éolienne, seront essentiels pour déployer efficacement ces technologies sur le continent. En investissant dans des programmes de formation spécialisés, les pays africains pourront construire une main-d’œuvre qualifiée capable de contribuer activement à la transition énergétique. C’est notamment dans ce cadre que l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) a lancé en ce début d’année 2023 un Master Exécutif en Stratégies des Smart Cities en Afrique. Ce programme de formation a pour objectif de fournir aux participants les connaissances et compétences nécessaires pour concevoir, mettre en œuvre et suivre les stratégies des Smart Cities dans les villes émergentes africaines.

Par ailleurs, dans une perspective de partage de compétences et de connaissances, des entreprises internationales présentes sur le continent ont également lancé des initiatives visant à former les jeunes dans le domaine du numérique. Un exemple concret est celui d’Orange, qui a inauguré en mars 2023 son 15e Orange Digital Center en Afrique, situé plus précisément en République démocratique du Congo. Ce dernier offre aux jeunes talents l’opportunité de renforcer leur employabilité tout en favorisant l’entrepreneuriat innovant.

L’Afrique est aujourd’hui confrontée à un défi majeur : répondre à la demande croissante en énergie tout en préservant l’environnement et en favorisant un développement socio-économique pérenne et durable. La prise de conscience croissante des conséquences du réchauffement climatique et des menaces qui pèsent sur les populations africaines a en effet incité de nombreux pays à s’engager résolument en faveur d’une transition énergétique durable, en tirant parti des ressources naturelles abondantes. Dans ce contexte, la révolution numérique en cours sur le continent s’avère être un catalyseur précieux pour intégrer la digitalisation dans les Objectifs de Développement Durable. Ce faisant, cette approche permettra l’émergence d’une Afrique résiliente, prospère et tournée vers l’avenir.  

Daouda Bakary koné


[1] “L’Afrique a aussi son mot à dire sur le changement climatique”, Banque mondiale, septembre 2014.

[2]  “Transitions & Inclusion : comment ces leviers peuvent-ils stimuler la croissance africaine ?”, La Tribune Afrique, mai 2021.

[3] “Transitions & Inclusion : comment ces leviers peuvent-ils stimuler la croissance africaine ?”, La Tribune Afrique, mai 2021.

[4] « Selon un nouveau rapport, l’accès de base à l’énergie est à la traîne malgré des opportunités en matière d’énergie renouvelable », Organisation Mondiale de la Santé, juin 2023.

[5] « EnR & infrastructures en Afrique : Sun King, Voltalia, Neoen… », CFNews, mai 2022.

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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