Par Magaye GAYE
Économiste international
Ancien Cadre de la BOAD
Au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, nos banques s’appuient encore sur les garanties classiques héritées des modèles occidentaux : hypothèques, nantissements, cautions. Pourtant, dans la pratique, ces mécanismes n’ont pas empêché les défaillances. Les titres fonciers sont rares, les équipements perdent vite leur valeur, les cautions se dérobent, sans oublier les difficultés liées à la lenteur de leur réalisation et au coût des garanties.
Résultat : les banques rechignent à financer les PME, alors même qu’elles représentent le socle de l’économie. Or, il faut le rappeler : l’essentiel des transactions et des échanges est le fait des individus, des PME et du secteur informel, qui concentrent l’essentiel de l’emploi et une large part du PIB.
Face à cela, il est temps d’explorer une piste endogène et puissante, encore négligée : la garantie spirituelle. Dans nos confréries religieuses – Mouridisme, Tidjaniya, Layènes, Qadiriyya – la parole donnée devant les pères fondateurs et leurs fils directs reste sacrée. Qu’il s’agisse de Cheikh Ahmadou Bamba, d’El Hadj Malick Sy, de Seydina Limamou Laye ou de leurs héritiers spirituels immédiats, leur mémoire impose un respect qui dépasse parfois celui d’un contrat notarié.
Une expérience personnelle illustre cette force. Un jour, chez un boucher, j’exige de la viande fraîche. Il me l’assure. Mais en voyant derrière lui la photo de son marabout, je lui dis : « Pouvez-vous l’affirmer comme si vous en témoigniez devant lui ? ». L’homme baisse les yeux et avoue : « C’est d’hier. Je ne peux pas trahir mon marabout et perdre mon au-delà pour une transaction ». Ce simple échange prouve que l’autorité spirituelle sécurise plus efficacement que la sanction juridique.
Pourquoi ne pas l’intégrer, de manière formalisée, dans nos pratiques financières et commerciales ? Il ne s’agit pas de remplacer le droit, mais de le compléter : une double caution, juridique et spirituelle, adaptée à la réalité de nos économies. Des protocoles pilotes pourraient être testés dans les banques de développement, la microfinance ou les chambres de métiers, en combinant clauses légales et engagement moral devant l’autorité spirituelle de référence.
Réinventer la garantie n’est pas une option, c’est une urgence. Nos économies vivent de transactions quotidiennes, enracinées dans la confiance et la foi. En mobilisant l’héritage des fondateurs et de leurs fils directs, nous pouvons bâtir une garantie sacrée, enracinée dans notre culture, capable de sécuriser le financement et les transactions. Une innovation simple, mais révolutionnaire, qui parlera enfin à la majorité réelle de nos économies.