(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Mali, divers enjeux complexes et multidimensionnels liés à la filière coton s’articulent autour des axes stratégiques suivants, comme l’indique clairement Abdel Rahamane Sy. Tout d’abord, il est crucial de considérer les enjeux économiques et de financement, qui constituent un point névralgique pour la pérennité de cette filière.
En effet, ces enjeux sont centrés sur l’insuffisance de financements structurants, qui se révèle essentielle pour soutenir l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment dans le domaine de la transformation industrielle, qui devrait théoriquement permettre de transformer le coton brut en produits finis à forte plus-value. Toutefois, on observe une dépendance excessive aux subventions publiques, ce qui fragilise considérablement le secteur, ainsi qu’un financement des campagnes agricoles par des partenaires extérieurs, ce qui peut nuire à l’autonomie du pays. De plus, la situation est aggravée par une faible mobilisation du secteur privé, tant national qu’international, et des investisseurs qui semblent hésitants à s’engager dans cette filière pourtant prometteuse.
En ce qui concerne les enjeux d’industrialisation et de transformation locale, la situation est tout aussi préoccupante, car il existe une faible capacité industrielle pour transformer le coton sous forme de fibre en produits à haute valeur ajoutée tels que les textiles, les huiles, les tourteaux, et d’autres produits connexes. Le manque d’incitations fiscales et industrielles constitue un obstacle majeur qui freine l’innovation et l’expansion de la transformation locale, tandis que les opportunités économiques, encore inexploitées, dans le secteur du textile, de l’habillement, et même des sous-produits dérivés, demeurent en friche, ainsi privant le pays de la possibilité de tirer parti de sa riche matière première pour stimuler l’économie locale et créer des emplois durables.
En ce qui concerne les enjeux énergétiques, il est crucial de noter qu’ils se manifestent à travers des défis tels que l’accès limité à une source d’énergie fiable et abordable, en particulier pour les petites unités de transformation implantées dans les zones rurales, où les ressources peuvent être particulièrement rares et précieuses. Il est impératif d’intégrer les énergies renouvelables dans le processus de production et de transformation, afin de garantir une durabilité et une efficacité à long terme dans l’utilisation de ces ressources. De plus, il convient de souligner les enjeux liés au changement climatique qui présentent des dangers réels pour l’agriculture et l’environnement ; parmi eux, on trouve une variabilité climatique accrue, qui affecte de manière significative non seulement les rendements, mais aussi la qualité des récoltes, des éléments vitaux pour la sécurité alimentaire et l’économie locale. Parallèlement, l’érosion des sols, associée à un stress hydrique croissant, intelligemment exacerbé par la dégradation progressive de l’environnement, menace non seulement l’existence des zones de culture, notamment cotonnières, mais également la durabilité de l’écosystème environnant. Il devient donc d’une importance capitale d’adapter les pratiques agricoles en intégrant des semences résilientes, en adoptant des méthodes d’agroécologie et en favorisant la diversification des cultures, afin de renforcer la résilience des exploitations face aux défis climatiques et environnementaux contemporains.
Les enjeux liés à l’assurance agricole et à la protection sociale revêtent une importance cruciale dans le contexte actuel, où l’agriculture fait face à de nombreux défis. En effet, le secteur souffre d’une couverture d’assurance agricole très insuffisante, ce qui laisse les producteurs vulnérables face aux risques climatiques imprévisibles, ainsi qu’aux fluctuations du marché qui peuvent menacer leur subsistance. De plus, il existe une absence préoccupante de mécanismes généralisés de sécurité sociale, tels que l’assurance santé, la retraite ou encore la couverture des accidents de travail, pour tous ceux qui œuvrent au sein de la filière agricole. Il est donc essentiel de promouvoir et d’introduire d’urgence des produits d’assurance qui soient inclusifs et spécifiquement adaptés aux réalités et aux besoins du secteur rural. En ce qui concerne les enjeux humains et sociaux, on constate un manque notable de ressources humaines qualifiées, non seulement sur le plan technique, mais aussi industriel, avec un besoin pressant d’experts tels que des agronomes, des transformateurs, des mécaniciens agricoles, et des techniciens spécialisés dans le domaine textile, entre autres. Par ailleurs, l’insuffisance de programmes de formation continue, d’alphabétisation fonctionnelle et de sensibilisation aux normes de qualité pose de sérieux problèmes pour le développement du secteur. Il est donc impératif de travailler à l’amélioration des conditions de vie, de travail et de logement dans les zones de production, afin d’assurer un environnement favorable aux travailleurs. En outre, la problématique du travail des enfants dans certaines zones est un sujet délicat qui nécessite une attention particulière, et doit être abordée de manière efficace par le biais de l’éducation et de programmes de sensibilisation adaptés, afin de créer un avenir plus juste et durable pour tous.
Les enjeux liés à la viabilisation des zones rurales représentent un ensemble complexe et multidimensionnel qui nécessite une attention particulière. Tout d’abord, il est crucial de souligner l’insuffisance des infrastructures de base, telles que les routes rurales, qui entravent l’accès aux services essentiels, ainsi que les centres de santé, indispensables pour garantir le bien-être des populations locales, et les marchés de proximité, qui sont essentiels pour le commerce et la vie économique des communautés rurales. Parallèlement, la désertification progressive de certaines zones agricoles, une conséquence directe de la pauvreté omniprésente et du manque d’opportunités, compromet la capacité des agriculteurs à subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. De plus, il existe des besoins urgents en matière d’aménagements hydro-agricoles afin de mieux gérer les ressources en eau et de sécurisation foncière, garanties essentielles pour encourager les investissements dans ces régions.
D’autre part, les enjeux de sécurité alimentaire se manifestent de manière alarmante, mettant en avant le lien direct entre les revenus générés par la culture du coton et les achats alimentaires des ménages ruraux. Ainsi, il est essentiel de répondre aux besoins de diversification des cultures pour renforcer la sécurité alimentaire locale, ce qui peut être réalisé par des initiatives telles que la promotion du coton vivrier, intégrant la culture du coton aux pratiques agricoles de subsistance. Toutefois, les enjeux de recherche agricole et d’innovation nécessitent également une mise en lumière particulière, car ils révèlent une insuffisance des investissements en recherche appliquée, notamment pour le développement de semences améliorées, l’utilisation d’intrants écologiques, et la mise en place de stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs. De plus, la faible valorisation des résultats scientifiques produits par les institutions nationales telles que l’IER et l’IPR représente une perte significative de potentiel pour améliorer les pratiques agricoles et pour soutenir le développement durable des zones rurales.
Cependant, les enjeux de la mécanisation agricole sont particulièrement significatifs et reposent sur plusieurs facteurs préoccupants qui affaiblissent le secteur. Tout d’abord, le faible taux de mécanisation observé dans de nombreuses régions entraîne une pénibilité accrue du travail pour les agriculteurs, ce qui se traduit par des efforts physiques considérables nécessaires pour réaliser les tâches quotidiennes, ainsi que par des pertes de productivité notables. De plus, l’accès limité aux équipements modernes adaptés, tels que les tracteurs, les décortiqueuses et les pulvérisateurs, constitue un obstacle majeur à l’amélioration des rendements agricoles, car ces outils sont souvent essentiels pour optimiser le travail des champs et garantir des récoltes de qualité. En outre, l’absence d’un réseau structuré pour la maintenance, la formation et la location de matériel aggrave davantage la situation, rendant difficile pour les agriculteurs de bénéficier des innovations technologiques disponibles. Parallèlement à ces défis techniques, des enjeux d’organisation et de structuration se manifestent également, notamment à travers la structuration encore faible des coopératives et des organisations paysannes (OP), qui se traduit par un encadrement parfois déficient et un manque de ressources organisationnelles. Il est donc impératif de renforcer la gouvernance de ces organisations paysannes, en les connectant à l’amont et à l’aval de la filière agroalimentaire, pour leur permettre de mieux s’intégrer dans les chaînes de valeur et d’accroître leur influence sur le marché. Enfin, la mise en place d’un système de suivi, de traçabilité et de certification est essentielle, non seulement pour garantir la qualité des produits, mais aussi pour renforcer la confiance des consommateurs et des partenaires commerciaux dans les pratiques agricoles des coopératives.
Au niveau des enjeux de transformation et de consommation locale, il est essentiel de constater la faiblesse persistante de la culture de consommation des produits textiles locaux, laquelle demeure étonnamment faible, en dépit d’un potentiel créatif et identitaire extrêmement riche et prometteur. Ce paradoxe révèle non seulement un manque d’intérêt pour les créations locales, mais également une insuffisance marquée dans la promotion des marques nationales, ainsi que du label “Made in Mali”, qui pourrait, pourtant, jouer un rôle crucial dans l’épanouissement du secteur textile. Par ailleurs, il est impératif de renforcer le lien entre la production, la transformation, la commercialisation locale et l’exportation afin de bâtir des ponts solides qui favoriseraient une synergie bénéfique entre les différents acteurs de cette chaîne de valeur, contribuant ainsi à stimuler l’économie locale et à promouvoir une fierté nationale autour des produits typiquement maliens.
Dans le contexte des enjeux technologiques et numériques d’aujourd’hui, les acteurs concernés s’engagent pleinement dans l’introduction indispensable de l’intelligence artificielle (IA) au sein de la gestion des données agricoles, ce qui inclut non seulement l’optimisation des processus liés à la prévision des récoltes mais également l’évaluation des risques en matière d’assurance climatique et l’analyse des dynamiques des marchés. Cette évolution passe également par la digitalisation des services agricoles, qui englobe divers aspects tels que le conseil aux agriculteurs, les solutions de financement adaptés à leurs besoins, les achats groupés pour réduire les coûts, ainsi que des systèmes de traçabilité robustes afin d’assurer la qualité et la sûreté des produits agricoles.
Notons que le développement d’applications mobiles spécifiquement conçues pour les producteurs permettra de faciliter l’accès à l’information et d’améliorer la gestion de leurs activités quotidiennes. Il est crucial de souligner que ce panorama global révèle que la filière coton du Mali nécessite une approche multisectorielle cohérente et intégrée, alliant des investissements structurants indispensables, des politiques publiques soigneusement ciblées, une innovation technologique continue et des partenariats dynamiques entre les secteurs public et privé. Cela est essentiel pour garantir que cette filière puisse devenir un véritable moteur durable du développement rural et industriel du pays, contribuant ainsi à l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs et à la prospérité économique de la région.
Daouda Bakary KONÉ

