(Agence Ecofin) – Face à la récente
rumeur d’une dévaluation « en cachette » du Franc CFA utilisé en zone
CEMAC, l’opinion publique, notamment au Cameroun, attend toujours une
réaction officielle des autorités compétente. L’évocation du sujet par
le patronat camerounais lors de sa récente assemblée générale, et les
plaintes répétitives des importateurs continuent d’alimenter le débat.
La dernière position officielle de la BEAC
a été de dire qu’une dévaluation du FCFA n’est pas à l’ordre du jour.
L’institution évoque, à juste titre, que l’une des conditions phare de
cette situation, serait que les réserves de changes ne permettent pas de
couvrir plus de 20% des besoins d’importations. La BEAC a aussi
rappelé, que lors de la dévaluation de 1994 les pays de la CEMAC
notamment connaissaient une récession économique, ce qui est différent
actuellement.
Mais ces explications globales ne semblent
pas avoir d’effet sur le marché de change, notamment le marché
parallèle. L’obtention des devises peut nécessiter de dépenser parfois
jusqu’à 15% de plus que le taux de parité fixe de 655,955 FCFA pour 1 $,
ce qui laisse penser aux yeux des acteurs du marché des devises qu’il y
a eu une dévaluation discrète de la monnaie.
La BEAC pas si innocente que cela dans la situation actuelle
La banque centrale dégage toute
responsabilité dans cette situation, et pourtant, une analyse de sa
nouvelle réglementation de change, adoptée le 21 décembre 2018, ne
plaide pas totalement en faveur de cette position. Pour un objectif
qu’on ignore, l’article 31 de ce texte communautaire indique que les
transferts de fonds vers l’extérieur « peuvent être soumis à une commission de transfert déterminée par le libre jeu de la concurrence »
Des experts du marché des devises estiment
que c’est ce changement majeur sur la fixation des commissions, qui a
conduit à ce que les clients des devises puissent ressentir une hausse.
La BEAC a accepté qu’on passe d’un régime de commission contrôlé à un
régime basé sur la concurrence. Or les critères de fixation des montant à
payer aux banques commerciales pour leurs services de transfert de
fonds ne sont pas toujours connus des demandeurs de devises.
« Le problème c’est que rapidement,
les banques susceptibles d’offrir un accès aux devises via leurs
intermédiaires ne sont pas nombreuses et le libre jeu de la concurrence
ne peut pas être opérant. Dans le même temps, la complexité des
nouvelles procédures de la BEAC et le besoin urgent des agents
économiques crée une situation de forte demande face à des ressources
finalement plus faibles, et les commissions s’envolent », a expliqué une source qui a requis l’anonymat du fait de sa position contractuelle avec des officiels.
Face aux complexités des procédures
d’obtention des devises, de nombreux clients se sont rués sur la marché
parallèle. Guy, un de ces opérateurs de change informel qui est basé à
la poste centrale de Yaoundé, explique que pour être compétitif, ils
alignent leurs propres taux sur celui pratiqué par les intermédiaires
agréés. « Nous sommes ainsi sûrs que les clients viendront toujours
chez nous. Parfois il suffit de 5 francs de différence et pour nous cela
suffit », a-t-il confié à l’Agence Ecofin.
Pour l’instant, la situation bien que
fragile, semblent encore être sous contrôle. Globalement, la BEAC
prévoit une amélioration de la capacité des réserves de change à couvrir
les besoins d’importations de la sous-région à 4,5 mois. La situation
devrait s’améliorer dans presque tous les pays, sauf pour le Cameroun et
le Tchad. Rappelons cependant que la couverture extérieure pour le
Cameroun sera quand même de 6,5 mois.
A la BEAC, on reste aussi convaincu,
qu’une fois le nouveau cadre sur la réglementation de change bien
maîtrisé par tous les acteurs de la chaîne des devises, on assistera à
un retour à la normalité, aussi bien sur le marché officiel que sur le
marché parallèle. Un avis qui finalement ne fait pas vraiment
l’unanimité.
Idriss Linge