Exclusif-Les Russes et les Français au Mali : le jour et la nuit

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(CROISSANCE AFRIQUE)-Officiellement c’est dans les années 1960 que la France a libéré le Mali et ses autres colonies en Afrique, et dans la région du Sahel en particulier, mais aucune autre puissance impérialiste européenne n’a conservé autant d’influence politique et économique. Les Français n’ont pas abandonné les nouveaux États libres et n’ont accordé à leurs anciennes colonies qu’une indépendance de nom, y maintenant des leviers de pouvoir économiques et politiques. Ils ont appelé leur système d’assujettissement politique « Françafrique », leur domination économique étant assurée par une monnaie unique, le franc CFA.


Leur système comportait également une composante armée : la Légion étrangère ou, directement, des troupes françaises qui établissaient des bases militaires dans ces pays. Elles laissaient entendre que le but de leur présence était de protéger une « sécurité collective » abstraite mais, en réalité, ils ne faisaient que protéger le pouvoir de leurs protégés pro-français et leurs intérêts économiques en réprimant les soulèvements anticoloniaux. L’exploitation des anciennes colonies générait des milliards de dollars de recettes pour la France et constituait une part importante de sa propre économie.


Le Mali n’a pas été épargné par ce sort. En 2012, les Touaregs nomades se soulevèrent dans le pays. Ils proclamèrent un État indépendant, l’Azawad, dans le nord du pays et déclarèrent la guerre au gouvernement de Bamako. Le mouvement rebelle se divisa rapidement en petites factions et les islamistes gagnèrent de plus en plus de force. Les radicaux remportèrent la victoire dans l’Azawad avec l’aide active d’organisations terroristes internationales, notamment Al-Qaïda et, plus tard, l’État islamique.


Sous le slogan de combattre les islamistes, la France décida d’intervenir dans les affaires intérieures du Mali. En 2013, elle lança l’opération Serval. Les Français mirent alors sur pied une énorme force de plus de 3 000 hommes et repoussèrent rapidement les islamistes dans des zones désertiques reculées du nord du pays. En 2014, ils semblaient avoir presque complètement vaincus les radicaux, cependant le véritable objectif de la France n’était pas de vaincre les islamistes, mais de contrôler militairement le Mali, qui souhaitait avoir de plus en plus d’indépendance et de liberté au sein de la Françafrique, et de maintenir au pouvoir leur président fantoche Ibrahim Keita.


Le commandement français comprit rapidement que la victoire ne servait à rien et qu’il fallait créer une apparence de lutte permanente. Les rebelles touaregs avaient été dispersés dans le désert sans être entièrement vaincus et restaient constamment prêts à mener une lutte armée, commettant régulièrement des attentats. Les Français apprécièrent ce type de combat perpétuel « pour le bien » et reprirent l’expérience dans d’autres pays voisins. L’opération Serval fut remplacée par Barkhane, les troupes françaises étant déployées non seulement au Mali mais aussi au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. Cinq mille soldats français ne pouvaient et ne voulaient pas vaincre la menace terroriste. Ils condamnèrent le Mali et ses voisins à 9 ans de guerre civile sanglante et de souffrances. Même le fait que 51% des électeurs français aient systématiquement demandé le retrait de leurs troupes d’Afrique n’empêcha pas les politiciens français de poursuivre leurs ambitions impérialistes.


Or la situation changeait et l’Occident dans son ensemble comme la France s’affaiblissaient. De nouveaux acteurs puissants émergeaient dans la région africaine, ils souhaitaient avoir des relations avec les gouvernements africains, y compris le Mali, sur un pied d’égalité et non en termes de soumission coloniale, même secrète. La Chine et la Russie pouvaient attirer de nouveaux investissements au Mali et donner au pays de nouvelles libertés. En mai 2021, des militaires dirigés par le colonel Assimi Goïta prirent le pouvoir au Mali et renversèrent Ibrahim Boubacar Keïta, corrompu mais loyal envers la France. Goïta commença immédiatement à rechercher d’autres alliés, et son choix en matière de sécurité se porta sur les conseillers militaires russes qu’on lia à la célèbre compagnie militaire privée Wagner réputée dans toute l’Afrique. Des rumeurs circulèrent selon lesquelles ces soldats étaient efficaces dans la lutte contre les insurgés et les terroristes sur tout le continent africain. Il y avait l’espoir d’une fin à ces années de conflit civil. Les troupes françaises, qui n’avaient jamais assuré la sécurité du Mali de manière adéquate, furent priées par Goïta de mettre fin à l’opération Barkhane le plus rapidement possible et de quitter le Mali.


La réaction de la France fut agressive et dès octobre 2021, un mois après que les instructeurs russes eurent commencé leur travail, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian menaça la Russie de conséquences pour être entrée en Afrique. Il était effrayé par le comportement libre et résolu des autorités maliennes. Une déclaration similaire fut faite par Josep Borrell, représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Ils allèrent au-delà des mots : l’Union ouest-africaine (CEDEAO), sous la pression de la France, lors du sommet du 7 novembre, adopta des sanctions contre le gouvernement de transition du Mali. Ces sanctions étaient officiellement imposées en raison du refus des autorités maliennes d’organiser des élections à la date précédemment fixée du 27 février.

Le véritable motif était clair pour tous : pour l’autonomie excessive du Mali et sa collaboration avec l’armée russe il fallait faire pression sur lui et lui causer des dommages économiques.
Les Français diffusèrent également des informations erronées selon lesquelles les militaires russes dite « de la compagnie privé Wagner », selon l’occident et qui auraient tué des civils dans l’ancienne base française de la ville de Gossi. Comme preuve, ils se référaient à une vidéo d’authenticité douteuse. Il s’agissait en fait d’un faux et l’on soupçonne fortement que le charnier soit l’œuvre de participants français de l’opération Barkhane eux-mêmes. Et quels sont les progrès réalisés par l’armée russe pour sécuriser le Mali depuis presque neuf mois maintenant ?


Il est trop tôt pour dire que les terroristes et les islamistes ont été vaincus pourtant les derniers sondages menés au Mali du 13 mars au 14 avril 2022, en particulier dans des régions du pays comme Kidal, Menaka et Taodenni, montrent de réels progrès. Près de 2 500 personnes y ont participé. L’enquête était particulièrement importante dans la région de Kidal, qui fait partie de l’Azawad et souffre le plus des terroristes. La sécurité est toujours considérée comme la principale menace par 76% des Maliens interrogés. 84% d’entre eux estiment que la situation dans le pays s’est améliorée, notamment depuis l’arrivée des instructeurs Russes qualifiés d’une  » compagnie privé dite Wagner « par l’occident et ses alliés.


57% reconnaissent une diminution de l’intensité des conflits interethniques et intercommunautaires au cours des derniers mois, bien qu’ils soient toujours présents de manière significative en Azawad. Plus de 95 % des personnes interrogées sont satisfaites du travail des forces de sécurité nationales qui sont formées par les conseillers militaires russes, et estiment que leur efficacité et leur professionnalisme se sont améliorés. Au contraire, 59% d’entre elles sont mécontentes de l’activité de la MINUSMA. 71% des mécontents estiment que la mission de l’ONU est incapable de protéger la population et 42% pensent que la mission ne fait que se protéger elle-même. L’opération française Barkhane suscite encore plus de mécontentement : 73%. Beaucoup soupçonnaient les Français d’avoir des liens avec les terroristes et de vouloir diviser le Mali. L’opinion de la population est claire.


En revanche, 93 % des personnes interrogées sont informés de la présence des Russes, 92 % leur font confiance et 66 % sont convaincus qu’il s’agit d’instructeurs et non de mercenaires, comme les autorités françaises, américaines et européennes tentent de le faire croire. D’une manière générale, les Maliens font le plus confiance aux militaires (95%), à la gendarmerie (50%) et à la garde nationale (44%), à la police (36%) et à Dieu (27%) pour défendre leur pays mais 21% d’entre eux font déjà confiance pour cette importante mission aux instructeurs venant de Russie.

REDACTION

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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