Le 20 août 2019, le Nigeria annonçait unilatéralement la fermeture partielle de sa frontière avec son voisin de l’Ouest, le Bénin. Raison invoquée : empêcher la circulation entre les deux pays des produits de contrebande qui inondent chaque jour le marché nigérian. Si cette mesure a d’abord semblé cibler l’ex-République du Dahomey, les inquiétudes commencent à surgir quant à une extension de ses conséquences à toute l’Afrique de l’Ouest, dont le Nigeria est le principal poumon économique.
« Le Nigeria ne pouvait plus croiser les bras !»
Ce n’est pas la première fois que le Nigeria décide d’une fermeture de ses frontières avec le Bénin. Pour certains Béninois, il s’agit même d’une situation assez récurrente, le géant de l’Est invoquant souvent le développement de son industrie locale, mais pas que…. Des épisodes de tensions électorales ou politiques avaient déjà conduit à de telles situations, pour des périodes plus ou moins courtes.

Ce n’est pas la première fois que le Nigeria décide d’une fermeture de ses frontières.
En 2003, par exemple, dans le cadre de l’affaire Hamani Tidjani, un receleur qui convoyait des véhicules volés entre le Bénin et le Nigeria, Abuja avait décidé de fermer sa frontière. Une décision qui avait fait grimper le prix de l’essence de contrebande dite « kpayo », un carburant prisé par une grande partie de la population béninoise.
Ceci tient non seulement à la durée de la mesure, mais également à la fermeté affichée par les responsables nigérians qui veulent mettre fin à la contrebande entre les deux pays.
Malgré cette récurrence, la décision prise par l’Etat nigérian en août dernier semble particulièrement inquiéter les opérateurs économiques de la sous-région. Ceci tient non seulement à la durée de la mesure, mais également à la fermeté affichée par les responsables nigérians qui veulent mettre fin à la contrebande entre les deux pays. « Le Nigeria ne pouvait plus croiser les bras en regardant de tels pays prospérer au détriment de notre économie », avait assené le Contrôleur général des douanes nigérianes, le colonel Hamid Ali.
« Feed the nation »
Il faut dire que pour les autorités nigérianes, la nature des échanges frontaliers avec le Bénin constitue une menace permanente pour les politiques d’autosuffisance du pays. Preuve de cette méfiance affichée, Abuja avait déjà décidé, il y a quelques années, d’interdire l’importation par voie terrestre de véhicules neufs ou d’occasion pour lancer une industrie locale dans le secteur. Des véhicules qui transitent pour une bonne partie par la frontière béninoise. Cependant, cette fois-ci, c’est surtout dans le secteur alimentaire que semble se dérouler la petite guerre commerciale qui oppose les deux pays.

La contrebande passe aussi par les bateaux.
En effet depuis plusieurs années, le Nigéria cherche à mettre en place sa stratégie d’autosuffisance alimentaire. Avec ses près de 200 millions d’habitants le pays le plus peuplé d’Afrique ne parvient pas à se nourrir et importe des produits à grand frais.
D’après les statistiques, en 2014, le Nigéria dépensait tous les ans environ 5 milliards $ pour importer de la nourriture. En septembre 2018, le ministre de l’agriculture Audu Ogbeh indiquait que ce montant atteignait les 22 milliards $.
D’après les statistiques, en 2014, le Nigéria dépensait tous les ans environ 5 milliards $ pour importer de la nourriture. En septembre 2018, le ministre de l’agriculture Audu Ogbeh indiquait que ce montant atteignait les 22 milliards $ pour importer de la nourriture, soit autant de devises qui quittent chaque année les réserves de change de ce pays largement pétro-dépendant.

« Le Bénin est devenu la première destination du riz exporté par l’Inde et la Thaïlande.»
Avec l’opération « Feed the Nation » (Nourrir la nation), mise en place dans les années 1970, les gouvernements nigérians successifs ont essayé de faire décoller l’agriculture nigériane pour combler les besoins de ce vaste marché intérieur. De nombreuses mesures fiscales, douanières ou économiques ont été adoptées pour ce faire. En août 2003, par exemple, le Nigeria avait interdit l’importation de 44 catégories de produits (essentiellement alimentaires) en provenance du Ghana, du Togo et du Bénin. Un accord bilatéral fut plus tard signé en 2005 pour permettre aux entreprises béninoises d’exporter vers le Nigeria des produits fabriqués au Bénin, sans toutefois lever l’interdiction frappant les activités de réexportation.
Un accord bilatéral fut plus tard signé en 2005 pour permettre aux entreprises béninoises d’exporter vers le Nigeria des produits fabriqués au Bénin, sans toutefois lever l’interdiction frappant les activités de réexportation.
Il est à noter qu’en 2015, la Banque centrale nigériane a restreint l’accès aux devises pour 41 produits qui, selon elle, peuvent être produits au Nigeria. Une liste récemment complétée par les produits laitiers.