« Ne plus commercer en Afrique mais commercer avec l’Afrique »
Ci-dessous un compte rendu de l’atelier ‘Francophonie & Médias en Afrique subsaharienne’ animé par Séverine Laurent en Octobre 2017 au sein de l’Observatoire de la Transformation Audiovisuelle à Paris.
Une place du français en recul notable
Le verbe revêt une grande importance en Afrique. La multiplicité des concours d’éloquences, de poésie, marquent la place centrale de la maîtrise verbale dans les cultures.
La pratique du mélange des langues, l’insertion de mots locaux dans le français, sont des caractéristiques partagées.
Néanmoins, il convient de réaliser que de plus en plus, l’usage des langues nationales prend le pas sur la langue française.
• On ne compte en moyenne que 11 à 13% de francophones dans la zone AOF, hors côte d’Ivoire, Togo et Gabon. Le Tchad : par exemple a plus d’une centaine de langues officielles, le Mali 12.
• 85% des gens vivent dans le monde rural. Ceux qui parlent français sont plutôt dans les capitales. Si le français reste la « langue de crête », celle du pouvoir, du prestige, de la liberté de parole, elle est aussi celle de l’asservissement, de la domination. Leslangues de masse véhiculent en revanche les valeurs de partage, solidarité, modernité. Les langues de base, enfin savoirs et savoir-faire ancestraux, tradition, mais aussi retard technologique, communautarisme.
Des pratiques audiovisuelles en rapide évolution
Le secteur audiovisuel connaît, comme celui des usages, de rapides mutations.
L’utilisation des réseaux sociaux et des plateformes d’hébergement de vidéos permet à des équipes très légères de production de travailler et de diffuser. L’agilité de structures disposant souvent de peu de moyens est étonnante. Le très fort taux d’équipement en smartphone favorise aussi l’évolution des modes de consommation.
Une francophonie qui doit être mieux représentée sur les écrans hexagonaux
L’image et la place de l’Afrique dans les médias nationaux français posent problème. Elles véhiculent toujours une vision caricaturale, orientée vers les lieux les moins développés. Il faudrait parler des succès, insérer aussi la population francophone de façon plus étroite dans le flux habituel des programmes.
En quelques années, la France risque de connaître un rapide recul de son influence et de sa capacité à échanger et commercer avec les zones francophones. Le dialogue et la mixité risquent de s’estomper. L’influence culturelle (par exemple la notoriété des stars de cinéma) n’est plus la même.
Les médias nationaux doivent repenser leur politique avec leurs partenaires africains, notamment concernant la production. Le marché africain devient plus autonome, à la pointe de l’usage des médias sociaux et nouveaux médias.
Les concurrents chinois sont très déterminés à pénétrer rapidement les marchés. Ils pratiquent l’adaptation locale, notamment concernant la langue, de façon systématique.
Il faut considérer en somme l’Afrique non pas comme un vivier où puiser mais comme un partenaire avec lequel progresser.
Recommandations pour des acteurs français souhaitant se développer en Afrique
• Ne pas hésiter à employer un français africanisé, pour correspondre à l’habitude de « jouer avec la langue ».
• Aborder le marché local dans un esprit de partage de connaissances et de partenariat.
• Savoir s’insérer dans le paysage avec de petites structures recrutant sur place et faisant de la formation. Préférer cette stratégie modeste à un étalage trop ostensible de présence qui peut être contre-productif.
• Investir dans la traduction, qui est l’un des besoins les plus mal satisfaits.
• Bien comprendre les mécanismes culturels, notamment concernant l’importance de la dimension humaine.
Rédaction du compte-rendu : Olivier Babeau
Séverine Laurent consultant, communication média et TIC
Mail: croissanceafrik@gmail.com