Sécurité au Sahel, le “MIPAS du 2r3s devient un acteur hybride d’aide à la décision pour les Etats sahéliens”

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Interview réalisé par Malimédias, lors de la rencontre préparatoire du Side-Event du 2r3s tenue à Paris du 3 au 5 Octobre 2018.
Le Sahel mérite toutes les attentions aujourd’hui
Hamidou Touré (HT): Monsieur Jérôme Pigné, bonjour. Vous êtes le président et co-fondateur du Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel – 2r3s. Expliquez-nous ce qu’est le 2r3s, ses objectifs et sa vocation.

Jérôme Pigné (JP) : Bonjour et merci de me recevoir. Le 2r3s est un réseau d’experts (chercheurs, journalistes, praticiens), mobilisés dans une logique opérationnelle et pour contribuer au débat de la sécurité au Sahel. Notre ambition dépasse largement le cadre académique et scientifique, même si les porteurs (initiaux) du projet sont en grande partie des chercheurs.

Pour matérialiser cette dimension opérationnelle et pratique, le 2r3s entreprend la mise en œuvre d’une plateforme de concertation, d’échanges et de dialogue entre praticiens, société civile, chercheurs et décideurs.

Cette plateforme est une réalité un mécanisme de prévention et d’anticipation des situations de fragilité au Sahel et en Afrique de l’Ouest (MIPAS) qui a pour objectif de donner davantage la parole et de la visibilité à la société civile au sens large, sans pour autant altérer aux prérogatives des acteurs « classiques » de la sécurité et du développement. MIPAS a été pensé comme un outil pour renforcer les liens de collaboration entre les acteurs de la réflexion et ceux de la décision.

HT : Vous n’êtes donc pas un centre de recherche, ni un think tank ?

JP : Exactement. Nous collaborons et nous nous appuyons sur le travail des think tank et des centres de recherche, mais notre démarche s’inscrit véritablement dans une logique pratique et opérationnelle. Je dirais même que notre travail est complémentaire à celui des organismes de recherche. A travers MIPAS, le 2r3s devient un acteur hybride d’aide à la décision pour les Etats sahéliens, le G5 Sahel et les différentes composantes de l’Union africaine.

HT : Qui sont vos soutiens ?

JP : Aujourd’hui nous discutons du financement de la plateforme MIPAS avec plusieurs partenaires potentiels (ONU, UE, UNESCO, la France pour n’en citer que quelque uns). L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a été le premier partenaire à financer une activité du 2r3s, en octobre 2017 à Bamako.

Nous avions organisé un premier atelier à Bamako, grâce au dynamisme du gouvernement malien. Je pense en particulier à l’actuel Premier Ministre du Mali, SEM Soumeylou Boubeye Maiga, qui était à l’époque Secrétaire Général à Koulouba et à SEM Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères au moment de l’atelier. Nous avions d’ailleurs été reçus à Koulouba par le président du Mali, SEM Ibrahim Boubacar Keita. Je tiens ici à réaffirmer toute ma gratitude au Mali qui nous a permis de véritablement lancer notre projet.

En termes de soutien, si le Mali a été le premier pays à véritablement s’engager aux côtés du 2r3s, je salue également l’engagement du Burkina Faso, avec qui nous organiserons très prochainement un deuxième atelier à Ouagadougou, avec le soutien financier de la Délégation de l’Union européenne (DUE) sur place. Dernièrement, l’Autorité du Liptako-Gourma (ALG) s’est également engagée à soutenir la mise en œuvre de la plateforme MIPAS. Nous pouvons nous féliciter de ces importants soutiens. Car comme je le dis souvent, la réussite du 2r3s et de MIPAS est fonction de l’implication et de l’engagement des parties prenantes africaines.

Enfin, je tiens à saluer et remercier SEM Abdoulaye Diop qui est devenu il y a quelques mois le Haut Représentant de MIPAS. Après avoir quitté le gouvernement au Mali, le Ministre Diop et moi-même avons gardé de très bons contacts sur la base d’une vision que nous partagions pour la paix et la sécurité au Sahel. Le Ministre est aujourd’hui basé à Addis-Abeba mais il ne se passe pas une semaine sans que nous fassions le point sur les avancées du 2r3s. Sur le plan humain comme sur le plan professionnel c’est un homme exceptionnel. Sa présence au sein de nos équipes montre que le 2r3s n’est pas un projet importé ou imposé de l’extérieur.

HT : En lisant ou en écoutant vos différentes interventions, je me rends compte que vous accordez une place importante au rôle des journalistes et des médias, n’est-ce-pas ?

JP : Vous avez parfaitement raison. C’est une des priorités du 2r3s : assurer une plus grande implication des journalistes et des médias dans les débats qui évoquent la sécurité au Sahel.

Concrètement, nous soutenons le rôle des médias et des journalistes au sein de nos mécanismes de prévention et d’analyses, notamment par la formation. Si la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent s’illustre aujourd’hui essentiellement à travers le prisme de la sécurité et des interventions militaires, il y a tout un champ non militaire et sécuritaire à explorer. Sur le terrain des idées et des discours, les groupes armés terroristes (GAT) savent parfaitement communiquer. Il faut pouvoir leur opposer un autre discours.

Nous constatons, depuis quelques années, une profusion de stratégies et de programmes de coopération en direction des médias et de la société civile. Malheureusement, ce qui est beaucoup moins présent dans ces programmes de coopération c’est le rôle des médias et plus largement des experts/chercheurs dans la construction de récits alternatifs au discours ambiant. Comme le répète souvent le conseiller spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies pour le Sahel, Monsieur Ibrahim Thiaw, il faut que les sahéliens et leurs partenaires développent des discours positifs sur le Sahel. Le Sahel rime avec opportunités et pas seulement avec insécurité et terrorisme. Je partage tout à fait cette opinion. Il doit y avoir une plus grande responsabilisation et conscientisation des uns et des autres (les médias en font partie) pour construire une image positive de la région. Nous sommes convaincus que les médias doivent jouer un plus grand rôle et susciter davantage de débats, en particulier sur les sujets sensibles.

Les médias, sans devenir des communicants des gouvernants, peuvent également contribuer à mettre en lumière les actions positives menées par les Etats, les ONG, la société civile et les partenaires internationaux. Si les gouvernants ont une large part de responsabilité dans la frustration des acteurs qui contribuent à la prolifération de la violence, il existe en parallèle des initiatives locales, nationales ou régionales qui méritent d’être mentionnées. C’est aussi le travail des médias que de contribuer à la visibilité (en particulier quand on connait l’impact que l’on peut avoir sur les réseaux sociaux) des actions positives, en matière de développement, de solidarité sociale, économique, sur le plan entrepreneurial, etc. Les Etats, tout comme les organisations multilatérales, mènent des actions positives que l’on relève trop peu.

Pour cela, il faut que les médias développent leur esprit critique et leur expertise sur les différents sujets liés à la sécurité et au développement. Vous êtes journaliste, je parle sous votre contrôle, combien de journalistes sahéliens peuvent parler réellement des enjeux liés à la sécurité, au développement ou encore au G5 Sahel ? Il faut accompagner la professionnalisation du secteur, par la formation, par des financements. Que font les Etats pour soutenir les jeunes journalistes en particulier? Cette question est valable pour la recherche également. Parler de la jeunesse et de la société civile, c’est bien. Agir en les soutenants, c’est encore mieux !

L’enjeu est donc dual : à la fois renforcer la communication sur les initiatives positives qui sont développées et renforcer, par ailleurs, le niveau d’expertise des experts/des analystes qui façonnent ces récits diffusés au quotidien à la tv, la radio et sur les réseaux sociaux. La sécurité au Sahel dépasse très largement le cadre des actions sécuritaires et militaires. La société civile, la jeunesse, les médias, les chercheurs ont un rôle à jouer. Chacun doit en prendre conscience. C’est ce à quoi nous travaillons à travers la mise en œuvre de MIPAS.

HT : merci Monsieur Pigné pour cet interview.

JP : merci à vous de m’avoir donné la possibilité de parler davantage du 2r3s !

Réalisé par

Hamidou Elhadji TOURE et YOSSI Diakaridia

Source: Malimedias.com

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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