(CROISSANCE AFRIQUE)- Les capitales africaines sont toutes confrontées aux mêmes défis, avec l’accroissement démographique. Parmi eux, l’accès à l’eau potable et le traitement des eaux usées sont sans nul doute les plus importants à relever. De nombreuses villes ont choisi de faire confiance à des spécialistes français du secteur.
Depuis le mois d’avril, Cheikh Tidiane Dieye est sur tous les fronts. Le ministre sénégalais de l’Hydraulique et de l’Assainissement – et par ailleurs président du Conseil des ministres africains chargés de l’eau (AMCOW) – a en effet de nombreux dossiers sur son bureau. Parmi eux, l’accès à l’eau potable pour les populations urbaines et rurales. « L’eau doit être considérée comme la première ressource du pays et le premier levier de développement, notamment pour le secteur agricole et industriel, a expliqué Cheikh Tidiane Dieye lors de sa première visite de terrain au siège de SEN’EAU, suite à sa nomination au ministère.
Pour ce faire, il nous faudra une nouvelle politique qui vise à garantir un accès équitable et durable à l’eau pour tous les citoyens sénégalais. » Un mois plus tard, Dieye réitérait les mêmes promesses à Diamniadio : « Le ministère œuvre à rattraper le retard, renforcer la résilience du pays face aux défis hydriques et mobiliser les ressources pour garantir un accès universel à l’eau et à l’assainissement d’ici 2030, conformément aux engagements du Sénégal au niveau international. » Sur le continent, c’est partout la même chose, le cas du Sénégal est symptomatique : les besoins en eau sont énormes, tant en termes de volume que de bonne gouvernance.
Des savoir-faire adaptés à la demande
À Dakar, le choix d’un partenariat public-privé (PPP) a été fait pour relever le défi. L’entreprise sénégalaise SEN’EAU a choisi de faire confiance à l’entreprise française Suez – qui est actionnaire à 45% de SEN’EAU – pour mener à bien la transformation du secteur de l’assainissement de l’eau. Résultat : Dakar jouit chaque jour de plus de 200000m3 d’eau disponibles, et les services de gestion de l’eau ont été complètement digitalisés. Selon Pierre Pauliac, directeur de la division Eau de Suez, « ce projet est un exemple à suivre pour d’autres pays. En intégrant les principes d’écologie et de transition numérique. SEN’EAU illustre comment les partenariats public-privé peuvent efficacement améliorer les services publics tout en respectant les particularités régionales. Alors que l’Afrique continue de faire face à des problématiques de sécurité hydrique, SEN’EAU s’affirme comme une solution adaptable, offrant des perspectives prometteuses pour tout le continent. » Pour les autorités sénégalaises comme pour Suez, le projet dakarois marque un avant et un après.
Si Suez est également présent au Maroc, en Égypte, en Algérie, en Côte d’Ivoire ou en Tunisie, d’autres entreprises françaises du secteur ont signé des partenariats avec des grandes villes africaines. C’est le cas par exemple de Veolia en Afrique du Sud, en Namibie, au Maroc ou au Niger. Pour Philippe Bourdeaux, directeur Afrique chez Veolia, « la construction de métropoles durables pour demain nécessite d’être soutenue par des partenariats durables avec tous les acteurs locaux, permettant ainsi de bâtir une économie plus circulaire : recyclage et valorisation des déchets, accès à l’énergie, à l’eau potable et à l’assainissement, recyclages des eaux usées, efficacité énergétique… L’enjeu est également de donner les moyens aux villes d’être plus résilientes vis-à-vis du réchauffement climatique. » Cet enjeu est en réalité un droit fondamental pour les populations africaines. « Le droit à l’eau potable est reconnu comme un droit humain fondamental par les Nations Unies depuis 2010, avance Bruno Galland, conseiller auprès du Centre International de Développement et de Recherche (CIDR). Ce droit implique que chaque individu doit avoir accès à une eau de qualité, en quantité suffisante, à un coût abordable et à proximité de son lieu de vie. En Afrique, ce droit est loin d’être une réalité pour une grande partie de la population. » Aux gouvernements africains maintenant de faire en sorte d’apporter des solutions, à la fois pour les populations grandissantes des zones urbaines et pour les zones périurbaines et rurales.
Derrière les deux grands noms que sont Suez et Veolia, d’autres entreprises venues de France se sont imposées comme des partenaires de premier plan pour les grandes agglomérations africaines. L’une des plus anciennes – elle travaille en Afrique depuis les années 50 –, Degrémont, s’est spécialisée dans le traitement de l’eau potable et des eaux usées en Angola, en Tanzanie, au Burkina Faso, au Maroc, en Éthiopie, en Égypte, en Algérie, en Afrique du Sud, au Kenya ou encore au Nigéria. Mais d’autres acteurs moins connus ont été également commissionnés par des gouvernements africains, comme les PME Naldeo Group, HydrEau ou Altereo. « Notre stratégie est de poursuivre le développement de nos activités principales en France et à l’international en mettant en place une stratégie proactive de croissance externe, explique Gilles Brunschwig, président d’Altereo. Par exemple, le fond tunisien AfricInvest Europe, qui est très implanté en Afrique, doit notamment nous aider à nous développer sur ce continent. Nous avons des projets très actifs au Maroc avec la LYDEC (Lyonnaise des Eaux de Casablanca), sommes implantés depuis longtemps en Tunisie avec l’Office national de l’assainissement, présents au Nigeria et nous venons de terminer une mission de 18 mois à Kampala, la capitale de l’Ouganda. »
Une conjonction de facteurs pour réussir
Tous les pays africains sont conscients des défis, et les bailleurs de fonds internationaux l’ont bien compris, comme le montre l’exemple tunisien. La Banque européenne d’investissement (BEI) y a renforcé son soutien au secteur de l’eau au printemps dernier avec deux prêts d’un montant total de 30 millions d’euros, ainsi qu’un accord de prêt de 22 millions d’euros signé avec la SONEDE (Société nationale de gestion et de distribution des eaux). Pour réussir la transformation du secteur de l’eau, il faut donc une conjonction de facteurs : les financements internationaux, la volonté politique des gouvernants africains et le savoir-faire des entreprises spécialisées dans ce secteur.
Si certaines mégapoles africaines comme Dakar sont sur la bonne voie – 80% des capitales africaines étant déjà alimentées par Suez, selon le groupe français dirigé par Xavier Girre –, de nombreux défis restent néanmoins à relever, en fonction des zones géographiques. « En Afrique subsaharienne uniquement, 40% de la population n’a pas accès à des services élémentaires d’approvisionnement en eau et 70% à un assainissement de base, et subit les problèmes récurrents d’inondations, de sécheresse et de pollution, relève un rapport de l’OCDE. Plus précisément, dans les zones urbaines d’Afrique subsaharienne, seulement 20% de la population a accès à un service d’assainissement géré en toute sécurité et 25% à un assainissement de base. »
Nul doute que les entreprises spécialistes du secteur – françaises ou autres – auront de nouveaux projets à mettre en place dans les années à venir. Car les gouvernements africains ont encore soif de progrès et de bien-être à offrir à leurs populations.