(CROISSANCE AFRIQUE)-La Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) a réceptionné, ce dimanche 31 août, un tout nouveau lot de billets de banque destiné à alimenter les guichets des banques commerciales ainsi que les distributeurs automatiques répartis sur l’ensemble du territoire national.
Cette annonce, effectuée dans un climat où les tensions sur les liquidités sont particulièrement fortes, a pour but de répondre avec efficience à l’urgence tant sociale qu’économique à laquelle le pays est confronté. Selon les déclarations officielles de la part de la BCRG, l’objectif principal de cette opération est d’atténuer, dans toute la mesure du possible, les difficultés énormes que rencontrent quotidiennement les ménages ainsi que les entreprises lors de leurs retraits. Cependant, il est à noter que l’institution monétaire a elle-même reconnu que la crise financière actuelle n’est aucunement liée à un manque de production de nouveaux billets, mais résulte plutôt de leur mauvaise circulation au sein de l’économie. Environ 94 % des billets qui sont émis par les autorités demeurent en dehors du circuit bancaire, étant thésaurisés par les ménages qui les conservent chez eux, ou bien captés par l’économie informelle, ce qui contribue largement à accentuer le problème de liquidité.
Cette rétention massive de liquidités crée une rareté artificielle du cash qui, à son tour, alimente un cercle vicieux : plus les Guinéens perdent confiance dans le système bancaire, plus ils conservent leurs liquidités chez eux ou en dehors du circuit officiel, aggravant ainsi considérablement la pénurie. Cette situation n’est pas seulement préoccupante d’un point de vue opérationnel, mais révèle également les fragilités structurelles profondes de l’économie guinéenne. En effet, elle met en lumière non seulement un faible taux de bancarisation, mais aussi une forte dépendance persistante à l’économie informelle ainsi qu’une méfiance généralisée vis-à-vis des institutions financières, que beaucoup considèrent comme peu fiables ou inadéquates pour répondre à leurs besoins.
Consciente que l’injection simple de billets ne constitue pas une solution durable à long terme, la Banque centrale affirme agir sur deux principaux fronts. D’une part, elle s’efforce de sécuriser l’approvisionnement immédiat en cash afin de soulager un tant soit peu la population confrontée à cette crise. D’autre part, elle mise sur la mise en œuvre de réformes structurelles de fond : accélérer la bancarisation en incitant davantage de citoyens à ouvrir des comptes bancaires, promouvoir l’utilisation croissante des paiements électroniques pour réduire la dépendance au cash, et restaurer la confiance, mise à mal, dans le système bancaire par des mesures de transparence et de renforcement de la sécurité financière.
Cependant, ces ambitions, bien que pleines de bonnes intentions, se heurtent à une réalité politique et sociale d’une grande complexité et d’une profondeur difficile à surmonter. En effet, la réticence évidente exprimée par certains membres influents du gouvernement, y compris celle du Premier ministre lui-même, illustre parfaitement les divergences de vues existant quant à la manière de gérer cette crise persistante ainsi que des doutes concernant la crédibilité et l’efficacité de l’institution monétaire en place.
Lorsque l’on considère la récente réception de nouveaux billets, bien qu’ils apportent une bouffée d’oxygène temporaire et un soulagement bienvenu, nombreux sont ceux qui s’accordent à dire qu’à elle seule, cette mesure est loin d’être suffisante pour résoudre efficacement le problème profondément enraciné. Les économistes sont unanimes à affirmer que la solution durable à la crise actuelle repose essentiellement sur la capacité de la Guinée à entreprendre des réformes structurelles significatives, à savoir la modernisation intégrale de son système financier en proie à des dysfonctionnements, la réduction de l’impact disproportionné de l’économie informelle sur son économie globale, et l’établissement d’une véritable culture de confiance mutuelle entre les citoyens et leurs institutions bancaires.
Notons que la question essentielle demeure non résolue et soulève des débats : la Guinée vient-elle réellement de mettre en place les fondations nécessaires pour une sortie progressive et stable de cette crise aiguë de liquidité, ou cette manœuvre représente-t-elle simplement une brève accalmie avant que le pays ne soit de nouveau plongé dans une tourmente financière encore plus complexe et profonde ?
Abdoulaye KONÉ