(CROISSANCE AFRIQUE)- Au Mali, la mine exploitée par Kodal Minerals, via sa filiale Kodal Mining UK (KMUK), vient d’entrer dans une phase décisive. Le 4 avril 2025, la compagnie britannique annonce plusieurs jalons techniques et administratifs, jetant les bases d’une exploitation commerciale imminente.
« Les stocks de concentré de spodumène s’accumulent régulièrement sur notre projet de lithium Bougouni, à mesure que nous augmentons la production. Nous publierons prochainement une mise à jour complète du projet », selon Kodal Minerals, la compagnie qui exploite ladite mine de Lithium dans la région de Bougouni.
Les marchés asiatiques, notamment la Chine, se profile comme des acheteurs avides de spodumène, ce concentré de lithium devenu essentiel pour les batteries du XXIe siècle. La ville de Bougouni a évolué d’une simple localité du sud malien à un acteur clé dans le nouveau capitalisme vert mondial. À l’heure où la transition énergétique redéfinit la géopolitique des ressources, le sous-sol malien, longtemps convoité pour son or, se transforme maintenant en un enjeu stratégique grâce au lithium.
Une montée en puissance à la cadence anglo-sahélienne se dessine avec plus de 11 000 tonnes de concentré déjà produites. Cette production régulière et soutenue est propulsée par une usine de traitement DMS qui approche de sa phase finale de mise au point. Au cours de la dernière semaine de mars, 13 400 tonnes de minerai ont été traitées, entraînant une production de 1 920 tonnes de concentré titrant à 5,63 % de Li₂O. Dans le jargon minier, cela indique que la courbe de rodage se rapproche de la rentabilité. Cependant, l’essentiel pourrait résider ailleurs.
Une phrase, noyée dans un communiqué technique, indique que l’exportation vers la Chine est conditionnée à l’obtention d’un transfert de permis, en attente de la signature des autorités maliennes. Ce scénario illustre comment un métal léger devient l’objet d’un équilibre précaire entre entreprises étrangères, souveraineté nationale et intérêts géopolitiques multiples.
Concernant le permis minier, actuellement au nom de Future Minerals SARL, il doit être transféré à Les Mines de Lithium de Bougouni SA (LMLB), une société malienne associée à KMUK. Toutes les étapes nécessaires ont été franchies, et le décret final est désormais sur le bureau du président. Bien que cela puisse sembler une formalité administrative, il s’agit en réalité d’un signal politique fort. Le Mali souhaite désormais superviser les flux de ses richesses naturelles tant en amont qu’en aval.
Dans ce bras de fer délicat, Kodal a sollicité un report du versement de 7,5 millions de dollars, la seconde tranche d’un accord établi en novembre 2024. Le gouvernement malien a accusé réception, mais n’a encore rien signé. Le temps joue en faveur des deux parties, mais également pour les partenaires stratégiques de Bamako, qui observant ce dossier attentivement, de Pékin à Moscou, comme un indicateur des nouvelles dynamiques minières en Afrique de l’Ouest.
Sur le terrain,159 des 555 employés de la mine sont maliens, avec près des deux tiers issus des communautés locales. À Bougouni, des infrastructures routières sont reconstruites, des camps ouvriers sont établis et les stocks s’accumulent.
Une nouvelle route vers le village de NGoualana, avec ses 3 km de bitume, symbolise l’espoir d’un développement local plus tangible que les précédentes promesses d’extraction. Bien que Kodal Minerals ait admis que l’usine n’avait pas encore atteint sa capacité nominale, le démarrage commercial est imminent. Un stock équivalent à un mois de production est déjà prêt pour l’exportation, et le sous-sol malien semble plus connecté que jamais aux grandes transitions économiques mondiales.
Ce que révèle ce communiqué, sous un vernis technique, c’est la réalité d’un Mali qui ne se contente plus de céder ses minerais. Le pays les gouverne désormais, retardant les exportations si nécessaire, tout en les utilisant comme levier de pouvoir et de légitimité.
Notons que la mine de Lithium de Bougouni représente bien plus qu’un simple projet industriel ; c’est un manifeste. Une preuve que, si elles sont gérées avec méthode et détermination, les ressources naturelles peuvent contribuer à ce « Mali Kura » que le président Goïta incarne.
Pour que cette vision se réalise, la rente minière doit se traduire par une transformation locale, des emplois durables et une souveraineté affirmée. Autrement dit, le lithium doit devenir un socle de développement plutôt qu’une simple fuite des richesses.
Moussa KONÉ