Par Magaye GAYE
Économiste international
Une leçon apprise dans un garage
Cet après-midi, alors que je faisais réparer mon véhicule dans un garage
en Afrique, j’ai observé un mécanicien en train de souder une pièce métallique. Il travaillait avec des moyens simples, parfois rudimentaires, mais son geste était sûr, précis, maîtrisé. À côté, un jeune l’assistait, apprenait en silence.
Assis là, j’ai été frappé par une idée simple : nous avons sous nos yeux les ressources humaines pour relancer l’économie, mais nous les négligeons. Trois leviers me sont alors apparus, clairs, concrets, accessibles à court terme.
NE PLUS MARCHANDER LA PAUVRETÉ – VALORISER LE TRAVAIL ARTISANAL
Les mécaniciens, les menuisiers, les tailleurs, les plombiers, tous ces travailleurs du quotidien sont souvent sous-payés, humiliés, alors qu’ils sont indispensables. Il n’est pas rare qu’un artisan, après avoir terminé son travail, vous dise simplement : « Donne ce que tu peux. » Cela ne devrait plus être accepté. Quand un artisan vous donne un prix juste, donnez-le. Ou ajoutez même un peu plus. Ce geste, répété à l’échelle du pays, c’est de l’argent injecté directement dans les veines de l’économie réelle.
FORMER, ÉQUIPER, ACCOMPAGNER – DONNER LES MOYENS À NOS ARTISANS
Nos artisans sont pleins d’ingéniosité. Ils réparent des moteurs de voitures importees, adaptent des pièces complexes, trouvent des solutions là où l’industrie officielle baisse les bras. Mais ils travaillent seuls, sans formation continue, sans soutien technique. Il est temps de mettre en place des programmes nationaux de formation technique, d’envoyer des unités mobiles d’appui dans les quartiers et les zones industrielles informelles, et de développer l’apprentissage en alternance. Ils ne demandent pas la charité. Ils demandent les moyens de faire mieux ce qu’ils savent déjà faire.
INDUSTRIALISER PAR LE RECYCLAGE – PRODUIRE ICI CE QUE NOUS IMPORTONS
Pourquoi continuer à importer des pièces usées ou de mauvaise qualité alors que nous avons ici, sur place, des hommes capables de les reproduire, de les adapter, de les renforcer ? Il faut développer une industrie locale du recyclage, donner les moyens aux artisans de fabriquer certaines pièces de rechange, et réduire progressivement les importations dans les domaines où nous pouvons produire nous-mêmes. C’est par là que commencera l’industrialisation, à échelle humaine, maîtrisée, enracinée.
Le développement de l’Afrique ne commencera pas dans les grands hôtels ni dans les discours des sommets internationaux. Il commence dans les garages, les ateliers, les marchés. Il commence avec ceux qui travaillent avec leurs mains, leurs idées, leur courage. À nous de les reconnaître, de les soutenir, et de bâtir avec eux une économie plus forte, plus digne, plus juste.