Saluée par de nombreux observateurs comme le signe d’un dégel entre la Chine et les Etats Unis, la négociation par Pékin de la libération de Meng Wanzhou ouvre incontestablement une opportunité de restaurer des relations abîmées par des années de guerre larvée.
C’est une lueur d’espoir inattendue au cœur de la crise des relations sino-américaines : la libération de Meng Wanzhou marque un tournant décisif pour les deux pays, qui se livraient déjà une guerre commerciale et technologique sans merci.
De fait, l’arrestation en septembre 2018 au Canada de Meng Wanzhou, directrice financière du leader mondial des TIC Huawei et également fille du fondateur Ren Zhengfei, avait, en mêlant économie, technologie et affect, brusquement cristallisé les fortes tensions qui existaient déjà entre les deux pays.
Le « cas Wanzhou » regroupait ainsi un faisceau d’éléments particulièrement sensibles, aussi bien du côté américain que du côté chinois, d’autant plus que l’accusation américaine a été directement suivie par l’arrestation surprise de Meng Wanzhou sur le sol canadien et sa large médiatisation dans le monde entier.
Les USA reprochaient à la dirigeante d’avoir menti en 2013 en affirmant à un cadre de HSBC qu’il était sans risque de faire des affaires avec Skycom, la filiale de Huawei opérant en Iran, alors que tant l’Iran que Huawei tombaient sous le coup des sanctions américaines.
L’affaire est ainsi devenue rapidement l’un des principaux obstacles à une relation apaisée entre la Chine et l’Amérique du Nord et le symbole des dissensions qui les opposent. Elle s’est en effet produite au terme d’une escalade de tensions alimentées par la fermeture des Etats-Unis, dont l’inscription de Huawei sur la « liste noire » des entreprises américaines par le régulateur des telecoms américain (Federal Communications Commission) a constitué le point culminant.
Initialement effectuée sous la présidence de Donald Trump, son renouvellement à la demande de Joe Biden en mars 2021 a douché les espoirs de réchauffement suscités par l’élection du nouveau président démocrate. L’affaire a de plus rapidement dégradé les relations entre la Chine et le Canada, victime collatérale de l’incident, entraînant notamment des mesures de rétorsion sur les importations canadiennes en Chine.
Alors que l’ostracisation de Huawei avait en réalité fini par incarner l’attitude peu conciliante de Washington vis-à-vis de Pékin, la libération de Meng Wanzhou a au contraire démontré la capacité de la Chine à faire preuve de diplomatie en acceptant la négociation d’un accord de poursuites différées avec les USA.
D’une part, le pays réaffirme la puissance de son softpower en même temps que son attachement à ses citoyens et sa volonté sans faille de leur venir en aide dans les situations difficiles qu’ils rencontrent à l’international. D’autre part, en faisant preuve d’ouverture, la Chine montre sa bonne volonté à l’égard d’une nation, elle, particulièrement dure à son égard. Elle incarne une attitude d’ouverture et de conciliation qui tranche avec la crispation américaine.
Sur le fond, la libération de Meng Wanzhou constitue en outre un indéniable succès juridique pour la Chine car elle n’aurait pu avoir lieu si la dirigeante avec été réellement jugée coupable par la justice américaine.
La libération aurait constitué un risque réputationnel et juridique que cette dernière n’avait pas les moyens de prendre et qui se serait dans tous les cas rapidement retourné contre elle. La constance de Meng Wanzhou, qui a toujours refusé depuis son arrestation en 2018, de plaider coupable pénalement, accrédite largement ce constat.
C’est donc une triple victoire diplomatique, juridique et publique que semble remporter une Chine qui réaffirme sa capacité de négociation, son intention de ne pas se laisser intimider par les menaces américaines mais surtout sa volonté de dialogue avec l’Amérique.
De l’attitude de cette dernière dépend d’ailleurs la réponse à cette question clef qui reste pour l’heure en suspens : ce fait isolé permettra-t-il réellement d’ouvrir une période de dégel propice à un dialogue sino-américain plus apaisé ? Cela est déjà le cas pour le Canada, victime collatérale de l’affaire dont les relations avec la Chine se sont nettement améliorées depuis la libération de Meng Wanzhou.
La dirigeante chinoise a d’ailleurs salué, immédiatement après sa libération, « l’engagement du gouvernement canadien à respecter l’Etat de droit » et transmis sa « reconnaissance à la population canadienne pour sa tolérance ».
En revanche, pour ce qui concerne les Etats-Unis, la réponse dépend largement de la capacité de Washington à saisir la main tendue offerte par Pékin.
La Rédaction
