L’exploration pétrolière n’a jamais été aussi active qu’en 2019, en dépit des alertes sur le changement climatique

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(Ecofin Hebdo) – Westwood Global Energy Group (WGEG), un consultant britannique pour l’ensemble de la chaîne de valeur pétrolière, vient de publier une étude sur le dynamisme du marché de l’exploration pétrolière au terme de l’année écoulée. Des chiffres qui démontrent un intérêt indéfectible des lobbies du secteur pour les énergies fossiles. Un constat d’autant plus surprenant à l’heure où les compagnies pétrolières sont appelées à agir contre le réchauffement climatique et à mettre en oeuvre des politiques efficaces de transition énergétique.

Mardi 14 janvier 2019, à l’occasion d’une conférence de presse qu’il a animée à Paris, Patrick Pouyanné, le PDG de Total, a abordé plusieurs questions au nombre desquelles la transition énergétique et les nouveaux efforts que compte mettre en œuvre la firme qu’il dirige. A ce sujet, le responsable a déclaré : « Le débat est aujourd’hui quand même beaucoup trop manichéen, trop faussé. On pense qu’il y a un monde blanc et noir. Je comprends qu’il y ait des jeunes qui ont envie qu’on agisse, mais c’est un sujet complexe […] Les actionnaires, ce dont ils veulent surtout s’assurer, c’est la durabilité de nos dividendes », avant de rappeler que les énergies fossiles représentent près de 90 % du mix énergétique mondial et que cela ne pourrait disparaître d’un coup de baguette.

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Patrick Pouyanné, le PDG de Total, rappelle que les énergies fossiles pèsent aujourd’hui près de 90 % du mix énergétique mondial.

En octobre dernier pourtant, la société réaffirmait son engagement à se réorienter vers une énergie responsable en multipliant par dix sa capacité mondiale de production d’électricité bas carbone, la faisant ainsi passer de 2,7 GW fin 2018 à 25 GW fin 2025.

En octobre dernier pourtant, la société réaffirmait son engagement à se réorienter vers une énergie responsable en multipliant par dix sa capacité mondiale de production d’électricité bas carbone, la faisant ainsi passer de 2,7 GW fin 2018 à 25 GW fin 2025.

Pour WGEG, la passivité des firmes comme Total et les nouveaux chiffres de l’exploration en 2019 montrent que l’appétit pour trouver du pétrole et les énergies fossiles en général ne diminue pas, mais que cela risque d’être pire encore en 2020. Cela remet en question l’engagement des parties prenantes pour une transition énergétique efficace.

Meilleure année pour l’exploration depuis quatre ans

Selon WGEG, le nombre de puits à fort impact à l’échelle mondiale en 2019 était de 91, soit une hausse de 36 % par rapport à 2018. Pour rappel, les puits à fort impact sont les puits ciblant des réserves à plus de 100 millions de barils d’huile et plus de 1 Tcf de gaz naturel.

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Les dépenses de forage sont demeurées stables à 3,5 milliards de dollars, car le coût moyen des puits a diminué. Le volume commercial découvert a été le plus élevé depuis 2015, soit environ 13 milliards de barils d’équivalent pétrole (bep). Le taux de succès commercial a, quant à lui, atteint son niveau le plus élevé en 10 ans, soit 32 %, notamment grâce à l’amélioration des techniques de forage. Ce niveau d’activité devrait d’ailleurs se maintenir cette année. Il faut toutefois noter que 77% des réserves découvertes en 2019 étaient du gaz naturel, moins polluant que le pétrole.

Par ailleurs, les deux plus grandes découvertes de pétrole sont situées sur la licence de Stabroek en Guyane qui, avec plus de 6 milliards de barils, est l’une des licences pétrolières les plus prolifiques jamais révélées, ce qui place le pays dans le starting-block des futurs eldorados de l’énergie aux côtés du Sénégal, de la Mauritanie ou encore du Mozambique.

Il faut toutefois noter que 77% des réserves découvertes en 2019 étaient du gaz naturel, moins polluant que le pétrole.

L’année 2019 a également vu l’Europe du Nord-Ouest se propulser en tête du classement des régions avec le plus de forages à fort impact. Malgré un programme de forages de 27 puits, seules deux découvertes à fort impact ont été signalées. Cela correspond à un taux de réussite de 7%.

En Afrique, le forage à impact élevé est resté modéré avec 14 puits exécutés en 2019, mais les taux de réussite commerciale ont affiché 57 % avec plus de 3 milliards de bep découverts, dont environ 80 % de gaz. En Afrique du Sud, une zone pionnière a permis la découverte de l’un des plus gros gisements de condensats de gaz de l’année sur le prospect de Brulpadda. Des découvertes à fort impact ont également été faites dans cinq autres pays : Sénégal, Mauritanie, Nigeria, Angola et Ghana où, pour la première fois, une compagnie africaine a foré en eaux profondes et découvert ce qui se présente aujourd’hui comme la plus grande découverte d’huile du Ghana.

Les choses ne risquent pas de s’améliorer pour la transition énergétique

Selon les estimations de WGEG, l’industrie de l’exploration continuera de repousser ses limites en 2020, tant en eaux profondes que peu profondes. En Afrique, une dizaine de puits à fort impact devraient de nouveau être forés avec potentiellement six tests de zones pétrolières pionnières de la Guinée Bissau, du Kenya, de la Namibie et au large du Gabon. D’ailleurs, Total devrait forer en Angola, dans le bassin du Congo, un puits de pétrole à une profondeur d’eau de plus de 3 400 m, une première 

En Afrique, une dizaine de puits à fort impact devraient de nouveau être forés avec potentiellement six tests de zones pétrolières pionnières de la Guinée Bissau, du Kenya, de la Namibie et au large du Gabon.

Les eaux du Brésil représentent aussi une zone à surveiller en 2020, indique le consultant. Au total, l’industrie devrait y tester 6 milliards de barils probables dans des zones pré-salifères situées dans les bassins de Santos et Campos, et le bassin de Ceara.

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Brulpadda, Afrique du Sud, un important gisement de condensats de gaz.

Outre cela, plusieurs dizaines de puits moins importants devraient être forés et les campagnes d’exploration, notamment les acquisitions sismiques, devraient se multiplier partout dans le monde en 2020. Elles devraient aboutir à de vastes campagnes de forage, dans les années à venir.

Face à la recrudescence de l’exploration et le constat selon lequel les acteurs du secteur ne sont pas prêts à tourner le dos aux énergies fossiles, la question se pose de l’efficacité des combats menés depuis plusieurs années pour la réussite de la transition énergétique.

Quelle crédibilité accorder aux compagnies pétrolières qui s’engagent à réduire leurs émissions à l’horizon 2025-2030 alors que l’AIE prévoit que, vu les projets en cours, les émissions mondiales de CO2 provenant de la consommation d’énergies fossiles, devraient augmenter après 2040 ?

Olivier de Souza

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